De manière générale, le constat tend à être le même en Belgique qu’ailleurs en Europe : plus le nombre de contaminations augmente dans la population d’un pays, plus le nombre de contaminations au sein des prisons augmente. En septembre 2021, on recensait 1 255 contaminations au total dans les prisons belges, soit grossièrement 12 % de la population carcérale, et au moins trois décès dûs au Covid-19. Le 15 avril 2021, le Conseil supérieur de la santé avait recommandé que toutes les personnes — détenues et membres du personnel pénitentiaire — fassent l’objet d’une vaccination prioritaire, compte tenu du fait que les deux groupes partagent un espace fermé en grande promiscuité où un confinement efficace est difficile à mettre en place. Dans un premier temps, il avait été décidé que seuls les détenus âgés de 65 ans ou plus, ainsi que ceux atteints de comorbidité, bénéficieraient des premiers vaccins. Début septembre 2021, 14 203 doses de vaccin avaient finalement été administrées ; 6 731 personnes détenues pouvaient se targuer d’avoir obtenu les deux doses nécessaires pour une vaccination complète, au terme d’une campagne ayant débuté courant mai 2021. En août 2021, l’administration pénitentiaire annonçait une nouvelle campagne de vaccination pour le reste de la population carcérale.Si les personnes détenues n’auront au départ pas fait partie des groupes prioritaires, la vaccination se poursuit, lentement mais sûrement.
Le vaccin n’a pas été le seul outil déployé pour enrayer le virus.
Afin de lutter contre la pandémie, des mesures restrictives ont en effet rapidement été instaurées : suspension des visites familiales ou des activités, interdictions des contacts physiques, confinement, etc. Des directives édictées parfois par les établissements pénitentiaires eux-mêmes, sans base légale, dont certaines ont constitué des violations des droits fondamentaux des personnes détenues. En Europe, celles-ci ont toutefois habituellement reçu des compensations pour pallier ces mesures restrictives : visites en vidéo-conférences, suspension de l’exécution des peines ou encore congés pénitentiaires — des “privilèges” à géométrie variable selon les pays.
Selon certains observateurs, la Belgique fait d’ailleurs office de cas particulier. “En Belgique, on a eu quasiment aucune compensation. Ce ne sont pas juste les visites par visio-conférence qui en sont une,” dénonce Olivia Nederlandt, professeure en droit pénal et pénitentiaire et membre de la section belge de l’Observatoire International des Prisons (OIP). “On pouvait imaginer plein de choses : le téléphone gratuit, l’internet gratuit — comme dans d’autres pays —, on pouvait donner des crédits cantines, donner le double de congés pénitentiaires après la crise sanitaire, mais quasiment rien n’a été fait pour compenser cette situation de restrictions aux droits fondamentaux des personnes détenues pendant plus d’un an et demi.”
Les compensations mises en place étaient malgré tout grandement nécessaires. “Il y a quand même eu des choses qui ont été positives, notamment concernant la mise en place des vidéoconférences pour remplacer les visites,” admet Marion Guémas de l’association pour les innovations santé en milieux fermés I.Care. “C’était une bonne chose et on espère que c’est un dispositif qui perdurera à l’avenir. Ce contact social, familial, c’est ce qui porte beaucoup de personnes détenues.”
Car les restrictions se sont grandement faites ressentir dans les prisons belges, comme le rapporte le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), l’organisme chargé de faire remonter les avertissements des différentes commissions de surveillance réparties dans le pays. Dans son rapport de 2020, il alerte sur les conditions de détention des personnes détenues et mentionne “un isolement physique, une déprivation sociale, psychologique, affective. Sans compter la mise à l’arrêt de pratiquement toutes leurs démarches visant à préparer leur sortie.”
Au terme de la première vague de contamination, les mesures restrictives — dont la proportionnalité n’avait alors pas été prouvée — ont pourtant subsisté par la suite. “Durant la seconde vague, les mesures en prison sont restées les mêmes, alors qu’on a pu démontrer qu’elles n’étaient pas toutes nécessaires et que certaines étaient disproportionnées,” souligne Olivia Nederlandt.