HDV. Les méthodes employées dans un établissement à petite échelle peuvent avoir une vraie influence sur les personnels et leur façon de travailler. L’un des agents de Courtrai venait d’un établissement classique et avait demandé à être transféré pour se rapprocher de son domicile, mais sur le principe, il était plutôt sceptique. Il a complètement changé d’avis quand il a commencé à travailler là-bas. Il s’est mis à réellement croire à la détention à petite échelle en voyant à quel point les choses y étaient différentes.
En ce qui concerne la procédure de sélection, je crois que, à Courtrai, la moitié du personnel est constituée d’agents chevronnés venus d’autres établissements. Mais l’idée était d’embaucher aussi des personnes avec un autre regard, issues de l’aide sociale ou de la criminologie, par exemple, pour avoir une plus grande diversité des mentalités.
ASV. Dans les prisons classiques, on distingue désormais deux fonctions : les “assistants de sécurité” et les “accompagnateurs de détenus”. Le rôle des accompagnateurs ne se limite pas à verrouiller et déverrouiller les portes : il s’agit de contact avec les personnes détenues. Savoir comment elles se sentent, si elles souhaitent participer à des activités, etc. Comme le personnel a besoin d’être formé, il faudra du temps avant que le système soit complètement en place. Il existe aussi un risque de créer de nouvelles difficultés, puisque ce système implique d’avoir assez d’effectifs pour les deux fonctions, sans quoi on manquera de personnel sur le terrain. Vu le manque d’effectifs actuel, ce ne sera pas chose facile.
HDV. Au-delà du personnel pénitentiaire, il est primordial de voir une prise de conscience chez les magistrats. Ils ont un rôle de premier plan à jouer, et ne sont pas toujours conscients de leur poids en la matière.
ASV. L’Institut de formation judiciaire a organisé un week-end d’immersion pour les magistrats à la prison de Haren avant son ouverture. Nous avons mené une étude sur leur expérience. Il en ressort qu’elle leur a permis de prendre conscience de certaines choses, et d’avoir une meilleure idée de ce qu’être emprisonné impliquait. Après avoir passé ces deux jours à Haren, l’un d’entre eux a expliqué que l’immersion lui avait permis de constater que la surpopulation caractéristique d’Anvers n’existait pas là-bas, et qu’il serait prêt à envoyer des gens à Haren alors qu’il éviterait Anvers. Les magistrats qui ont participé à l’immersion avaient aussi le sentiment qu’à Haren, les violations des droits seraient moindres que dans d’autres établissements. Nous travaillons à l’élaboration d’un questionnaire pour les magistrats des Flandres, de Wallonie et de Bruxelles, qui permettra de mieux comprendre leur perception de l’exécution des peines inférieures à trois ans.
HDV. Je suis d’accord : la prise de conscience chez les magistrats est très importante. Enfermer des gens si longtemps dans des établissements surpeuplés, ça n’a aucun sens. Je pense que la plupart de celles et ceux qui travaillent dans ce domaine sont d’accord. Cela dit, ça n’a pas non plus grand sens que le jugement des magistrats dépende de l’affectation de la personne condamnée dans un établissement surpeuplé ou une maison de détention. Il s’agit toujours de privation de liberté, et fondamentalement, c’est cela, la peine. Si on reste dans cette logique, c’est aussi important, à mon sens, de proprement appliquer les peines privatives de liberté inférieures à trois ans. Si les magistrats ne veulent pas que les gens aillent en prison et qu’ils n’en subissent pas les effets délétères, la meilleure solution, c’est d’utiliser les peines non privatives de liberté.