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Source : Libération
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Bruno Paes Manso, chercheur au Centre d’études de la violence de l’université de São Paulo, revient pour Libération sur la crise du système pénitentiaire brésilien alors que le pays a connu ce lundi un nouveau massacre de 57 détenus.
Bruno Paes Manso est chercheur au Centre d’études de la violence de l’université de São Paulo et coauteur de l’ouvrage A Guerra (La Guerre, non traduit), sur l’ascension du Premier Commando de la capitale (PCC), la principale organisation criminelle du pays, accusée du massacre de 57 détenus – dont 19 décapités – appartenant à un gang rival, dans une prison d’Altamira (Etat du Pará), lundi. Il revient pour Libération sur la crise du système pénitentiaire brésilien.
Ce bain de sang est le deuxième dans une prison amazonienne cette année. En mai, 55 détenus avaient été assassinés à Manaus. En janvier 2017, plus d’une centaine de détenus avaient péri dans la guerre de gangs en Amazonie et au Nordeste. Comment l’expliquer ?
Ces violences sont le résultat de l’expansion du PCC né en 1993 dans un pénitencier de São Paulo où étaient détenus ses fondateurs, des braqueurs de banque, ndlr. Avec le gang, les prisons sont devenues stratégiques pour l’organisation du trafic de drogues hors du système carcéral. Ses leaders dirigent les affaires directement depuis leur cellule, grâce à la popularisation du téléphone cellulaire, qui entre sous le manteau en prison. Le PCC a mis sur pied ce modèle de gestion dans les années 2000, quand il a réussi à prendre le contrôle de 90% des prisons de l’Etat de São Paulo, les plus peuplées du pays. Maintenant, il brigue le marché de la drogue dans les autres Etats brésiliens, après avoir approché des fournisseurs actifs à la frontière avec la Bolivie et le Paraguay. Or, il se heurte à la résistance des gangs locaux. Car le “business model” du PCC a essaimé un peu partout dans le pays. Il n’existe plus un Etat du Brésil où il n’y a pas de gangs dans les prisons. Il y a vingt ans, ils étaient encore quasiment inexistants.
Comment la surpopulation carcérale a-t-elle favorisé leur émergence ?
Dans les années 90, le Brésil comptait 90 000 prisonniers. Ils sont 725 000 aujourd’hui (la troisième population carcérale au monde, ndlr), et il n’y a de place que pour la moitié d’entre eux. Face au rythme croissant d’incarcérations, la construction de nouveaux pénitenciers peine à suivre. Débordées par l’afflux des détenus, les autorités ont fini par leur laisser de facto le contrôle des prisons. C’est comme ça que le PCC a tissé sa toile à São Paulo, devenant l’agent régulateur du marché criminel local.
Les détenus qui suivent les règles établies par le gang auront un séjour tranquille en prison. Ils appellent ça l’“assurance prison”.
Cette politique d’incarcération en masse semble incapable de réduire l’insécurité. Elle a en effet contribué à aggraver la violence, en favorisant la prolifération des gangs. Là où des groupes rivaux s’affrontent, comme dans le Nord et le Nordeste, le nombre d’homicides a explosé, dans les prisons mais aussi dans les rues, où leur rivalité se prolonge. A São Paulo, on incarcère beaucoup mais en parallèle, les homicides ont fortement baissé – sans que les autorités n’en aient fait un objectif. Il y a dix-huit ans, l’Etat pauliste avait le taux d’homicides le plus élevé du Brésil. Ce taux est désormais le plus bas, et cela, dans le plus grand marché consommateur de drogues d’Amérique du Sud. De fait, le PCC est le seul à exploiter ce marché. Ses rivaux écartés, le conflit a diminué. Mais il l’exporte désormais hors de São Paulo.
A quoi est due la baisse des homicides observée dans tout le Brésil depuis l’an dernier ?
En 2017, ils avaient atteint un nombre record (59 128 assassinats), à la suite des massacres de janvier dans les prisons, qui ont aggravé les tensions dans plusieurs Etats. Or, les chefs de gangs deviennent plus pragmatiques, jugeant qu’il est de leur intérêt de réduire les morts. D’autre part, les Etats (la sécurité est décentralisée, ndlr) sont plus à même de réagir, notamment par le renseignement. Certes, ce nouveau bain de sang n’a pu être évité mais ce n’est pas chose facile. Ces gens sont en confinement. Tout le monde a un couteau. Celui qui tue en premier survit.
Que dire de la politique pénitentiaire de Bolsonaro ?
Comme le Président, son ministre chargé de la sécurité publique, Sérgio Moro, veut mettre encore plus de gens en prison, sans penser aux dommages collatéraux. Il prône le durcissement des peines, ce qui augmentera encore le nombre de prisonniers. En réalité, Bolsonaro ne s’est jamais intéressé à la sécurité publique. Il ne croit pas dans l’Etat ni dans le système démocratique. Il défend l’assouplissement de l’accès aux armes pour que le citoyen se défende par lui-même. Or, plus d’armes, c’est encore plus de violence.
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