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Etats-Unis : des exécutions par des tribunaux fédéraux sont autorisées pour la première fois depuis 2003

Alors que la peine de mort est en recul aux Etats-Unis, l’administration Trump a décidé de relancer les exécutions au niveau fédéral. Dans un communiqué, le ministère de la justice a annoncé, jeudi 25 juillet, que le gouvernement avait décidé de mettre fin au moratoire sur les exécutions fédérales, en vigueur depuis 2003, et qu’il entendait faire exécuter cinq condamnés à mort assassins d’enfants à partir de décembre à la prison fédérale de Terre Haute (Indiana), la seule équipée d’un couloir de la mort.

La décision de l’attorney general (ministre de la justice) William Barr ne s’applique qu’aux détenus condamnés pour des crimes fédéraux. Cette catégorie recouvre les crimes commis contre les fonctionnaires et policiers fédéraux, l’espionnage, le terrorisme, les crimes racistes ou s’étant produits sur des propriétés du gouvernement ou sur les réserves indiennes. Les autres infractions relèvent de la justice des Etats.

Sur un total de 2 632 condamnés à mort en attente d’exécution aux Etats-Unis, 62 relèvent de la justice fédérale. Parmi eux : l’un des deux auteurs de l’attentat du marathon de Boston, Dzhokhar Tsarnaev, et le suprémaciste blanc Dylann Roof, condamné pour le massacre de l’église de Charleston (Caroline du Sud) en 2015.

Depuis le rétablissement de la peine de mort pour crimes fédéraux en 1988, seuls trois prisonniers ont été exécutés : Timothy McVeigh en 2001 pour l’attentat contre un immeuble fédéral à Oklahoma City, Juan Raul Garza, également en 2001 pour le meurtre de trois trafiquants de drogue au Texas et Louis Jones en 2003 pour le viol et l’assassinat d’une militaire au Texas.

Châtiments “cruels”

Depuis 2003, les administrations successives – républicaines comme démocrates – ont observé un moratoire de fait. De même, dans l’ensemble du pays, le nombre d’exécutions a fortement décliné à mesure que le recours à l’ADN montrait que des dizaines d’innocents avaient été condamnés à tort et qu’était posée la question de la cruauté de la méthode d’injection létale utilisée. De 98 en 1999, le nombre d’exécutions est passé à 25 en 2018.

L’attorney general a justifié sa décision dans une lettre au bureau fédéral des prisons. “Le Congrès a expressément autorisé la peine de mort, souligne-t-il. Nous devons aux victimes et à leurs familles de mettre en œuvre la peine imposée par le système judiciaire.” Il demande à l’administration carcérale d’adopter le protocole d’injection létale mis en place au Texas, l’Etat qui compte le plus grand nombre d’exécutions. Celui-ci a remplacé depuis 2012 le cocktail de trois sédatifs mis en cause dans une série d’exécutions ratées – et attaqué en justice pour infraction au 8e amendement de la Constitution qui interdit les châtiments « cruels et inhabituels » – par un seul : le pentobarbital de sodium.

Pourquoi cette décision de relancer les exécutions fédérales maintenant ? Le président Trump est un partisan déclaré de la peine capitale, notamment pour les trafiquants de drogue et les tueurs de policiers. Après l’attentat qui avait fait 11 morts à la synagogue de Pittsburgh en octobre 2018, il avait estimé qu’il était temps de la « remettre en vogue ».

Le moment choisi pour l’annonce correspond à celui où commencent à se dessiner les lignes de fracture de l’élection présidentielle de 2020. Une campagne que M. Trump entend jouer sur la loi et l’ordre, et le contraste avec le “socialisme” de ses adversaires.

En 2008, il aurait été suicidaire pour un candidat démocrate de se déclarer opposé à la peine de mort – et Barack Obama ne s’y était pas risqué. Depuis 2016, le Parti démocrate a inscrit l’abolition dans son programme. La plupart des candidats se sont engagés en faveur de l’abolition. Jeudi, en réponse à la nouvelle politique du ministère de la justice, la représentante du Massachusetts Ayanna Pressley – l’une des quatre membres de la « brigade » d’élues progressistes vilipendées depuis quelques jours par M. Trump – a présenté un projet de loi pour abolir la peine capitale sur le plan fédéral.

Une nouvelle fois, l’ancien vice-président Joe Biden est placé en porte-à-faux. C’est lui qui en 1994 avait été l’un des artisans, au Sénat, de la politique de durcissement de la justice criminelle prônée par Bill Clinton. Celle-ci avait renforcé les motifs de recours à la peine capitale. M. Biden a changé de position. Mardi 23 juillet, il a présenté ses propositions sur la justice pénale. Il a souligné que 160 condamnés à morts avaient été victimes d’erreurs judiciaires depuis 1973.

“Etant dans l’incapacité d’assurer que nous tombons juste à chaque fois, nous devons éliminer la peine de mort” , a-t-il estimé.

Coïncidence : plusieurs des détenus que le ministre de la justice se propose d’exécuter à partir de décembre avaient été condamnés en vertu de la loi que le sénateur Biden avait contribué à faire adopter.

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