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États-Unis : les exécutions fédérales ne reprendront pas dans l’immédiat

La Cour suprême a refusé vendredi de laisser le gouvernement de Donald Trump reprendre les exécutions au niveau fédéral, comme il souhaitait le faire dès la semaine prochaine, après seize ans d’interruption.

Le gouvernement de Donald Trump misait sur la Cour suprême des Etats-Unis pour lever les veto émis par plusieurs tribunaux et reprendre dès lundi les exécutions fédérales, interrompues depuis seize ans. Mais la plus haute juridiction américaine en a décidé autrement en bloquant, vendredi 6 décembre, ces exécutions. Il s’agit cependant d’une suspension temporaire, en attendant un examen de fond que la Cour suprême souhaite mener dans les deux prochains mois.

Le ministre de la justice, William Barr, avait annoncé en juillet, à la surprise générale, la reprise des exécutions fédérales, et programmé cinq injections létales dans le pénitencier de Terre Haute, en Indiana, entre le 9 décembre et le 15 janvier. Quatre des condamnés concernés avaient saisi la justice en urgence, contestant le protocole retenu pour les faire mourir. Des tribunaux ont depuis accepté de suspendre leurs exécutions, le temps d’examiner le fond du dossier.

Le gouvernement républicain, affichant sa volonté de punir les auteurs de crimes “d’une brutalité sans nom”, a demandé à la Cour suprême d’invalider ces décisions. Cette dernière, “compte tenu de l’enjeu”, a refusé vendredi de se prononcer, laissant pour le moment la balle dans le camp des juridictions locales. “Les tribunaux ont clairement indiqué que le gouvernement ne pouvait pas précipiter les exécutions afin d’échapper à l’examen judiciaire de la légalité et de la constitutionnalité de son nouveau protocole d’exécution”, a réagi Shawn Nolan, avocat de l’un des condamnés à mort.

“Salir son nom”

Disant “agir au nom du public et des familles”, l’administration Trump veut pouvoir appliquer “dans un délai raisonnable” les peines prononcées il y a plus de quinze ans. Les défenseurs des condamnés ont rétorqué que le gouvernement fédéral avait mis des années à définir son nouveau protocole et pouvait bien attendre un peu plus pour être sûr de sa légalité.

Avant que la Cour suprême, profondément remaniée depuis l’élection de Donald Trump, n’en repousse la date, l’exécution de Daniel Lee était programmée lundi à 8 heures locales par injection de pentobarbital. Ce suprémaciste blanc a été condamné en 1999 à la peine capitale pour le meurtre d’un couple et d’une fillette de huit ans.

Mère d’une des victimes, Earlene Peterson a imploré le président Trump d’accorder sa “clémence” au condamné dans une vidéo mise en ligne sur Internet. “Je ne vois pas en quoi exécuter Daniel Lee honorera ma fille, au contraire cela va salir son nom parce qu’elle n’aurait pas voulu ça”, explique cette femme opposée à la peine capitale par conviction religieuse.

Dans sa vidéo, Mme Peterson rappelle que Daniel Lee a été jugé avec un autre homme qui a, lui, été condamné à une peine de prison à vie incompressible malgré son rôle de leader dans le triple meurtre. Donald Trump n’a pas donné suite à cet appel. Le locataire de la Maison Blanche, qui brigue sa réélection en 2020, réclame régulièrement un usage renforcé de la peine capitale, notamment pour les tueurs de policiers. Il l’a également suggéré pour lutter contre le trafic de drogue.

Erosion du soutien à la peine de mort

Selon les sondages, le soutien à la peine de mort s’est érodé chez les Américains, qui ne sont plus que 54 % à y être favorables pour les meurtriers, contre environ 80 % au début des années 1990. Seule une poignée d’Etats, surtout dans le Sud conservateur, y ont encore recours. Sur les vingt-cinq exécutions pratiquées en 2018, treize ont eu lieu au Texas.

La plupart des crimes sont jugés au niveau des Etats, mais les tribunaux fédéraux peuvent être saisis des actes les plus graves (attentats, crimes racistes…) ou commis sur des bases militaires ou dans des réserves amérindiennes. Au cours des quarante-cinq dernières années, seules trois personnes ont été exécutées au niveau fédéral, dont Timothy McVeigh, responsable de l’attentat d’Oklahoma City (168 morts en 1995) en 2001. La dernière exécution fédérale remonte à 2003.

Sur les cinq exécutions annoncées par William Barr, le gouvernement semble avoir renoncé à appliquer la peine de Lezmond Mitchell ce mercredi. Auteur de deux meurtres dans une réserve Navajo, il estime avoir été victime de préjugés racistes et avait introduit un recours distinct des quatre autres sur ce motif. En octobre, une cour de l’Arizona a suspendu son exécution pour lui donner le temps de défendre ses arguments en justice.