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France : aux élections municipales, les détenus ne pourront pas voter en prison

La mise en place de bureau de vote au sein des prisons, pourtant effective pour les européennes de l’an passé, ne sera pas renouvelée. Trop compliqué pour des élections locales, explique l’administration pénitentiaire.

Malgré le “succès” du premier vote en prison lors des élections européennes de 2019, les détenus ne reprendront pas le chemin de l’isoloir pour les municipales : invoquant des “difficultés organisationnelles”, l’administration pénitentiaire ne compte pas ouvrir de bureau de vote au sein des prisons françaises pour les 15 et 22 mars prochains.

En mars 2018, Emmanuel Macron s’était pourtant déclaré favorable au droit de vote pour les détenus : “On a essayé de m’expliquer pourquoi des détenus ne pouvaient pas voter. Je n’ai pas compris. Il semblerait que ce soit le seul endroit de la République où l’on ne sache pas organiser ni le vote par correspondance ni l’organisation d’un bureau.”

Mais la réussite de l’opération menée en 2019 ne sera pas renouvelée.

Lors des élections européennes de mai, pour la première fois en France, des prisonniers ont pu exercer leur droit de vote au sein même de leur établissement pénitentiaire. Des détenus en file dans les coursives devant un “bureau de vote”, s’apprêtant à glisser leur bulletin dans une enveloppe : l’image était saisissante, et l’administration pénitentiaire se félicitait de la réussite de l’opération.

A dix jours du premier tour des municipales de 2020, elle évoque la “complexité” d’une réédition pour les scrutins locaux, a fortiori pour les municipales − sans totalement fermer la porte à une action similaire. Aux européennes, les bulletins des détenus avaient été acheminés au ministère de la justice, dans le 1er arrondissement de Paris, et les résultats rattachés à ce seul secteur.

Un faible taux d’inscrits

En revanche, le vote par correspondance appliqué aux municipales relevait, selon la direction de l’administration pénitentiaire (DAP), du casse-tête : deux tours à une semaine d’intervalle (15 et 22 mars), 36 000 maires à élire et autant de lieux de vote potentiels. Même dans le cas d’une maison d’arrêt comme Albi, qui compte une centaine de détenus, “si chacun était inscrit dans une commune différente et qu’il fallait envoyer le bulletin le jour J dans chaque lieu de vote, ça aurait été compliqué”, explique Amin Mbarki, chef du département des politiques sociales et des partenariats à la DAP.

“Ce renoncement n’a aucun justificatif technique”, réagit François Korber, délégué général de l’association d’aide aux détenus Robin des lois et inlassable militant du vote en prison. “C’est de l’enfumage ! Les prisons n’intéressent personne”, déplore-t-il.

L’administration pénitentiaire avance quant à elle les délais “trop courts” et le “constat” mis en lumière par les européennes : de nombreux détenus n’avaient pu voter faute d’être inscrits sur les listes électorales. Sur près de 10 000 “optants”, ce sont finalement “4 550 qui ont voté” au scrutin européen, soit environ 8 % des détenus non déchus de leurs droits civiques, selon la DAP.

La “préoccupation première” a donc été de favoriser l’inscription sur les listes, avec formulaire distribué à chaque détenu, accompagnement personnalisé et actions de sensibilisation sur les enjeux des municipales. Les inscriptions sont closes depuis le 7 février. La DAP n’était pas en mesure de fournir le nombre de nouveaux inscrits, mais pour M. Mbarki il ne fait “aucun doute qu’il sera en hausse”.

L’autre solution : faire procuration

Les 15 et 22 mars, les détenus enregistrés sur la liste d’une commune garderont deux possibilités pour voter : faire une procuration ou bénéficier d’une permission de sortie. Ces deux modalités, permises depuis 1994, sont très difficiles à mettre en œuvre et ne se sont jamais traduites par une importante participation. Environ 2 % de la population carcérale a ainsi voté lors de la présidentielle de 2017.

Pour rendre plus effectif le droit de vote, certaines contraintes seront “levées dès 2021”, assure la DAP. Pour les procurations d’abord : les détenus n’auront plus l’obligation d’être inscrits sur la même commune que leurs mandants, en vertu de la loi relative à l’engagement de la vie locale et à la proximité de l’action publique, promulguée en décembre.

Cette même loi prévoit également “l’inscription systématique” sur une liste électorale à l’arrivée en détention. Les personnes détenues pourront par ailleurs voter par correspondance aux élections régionales de 2021, “uniquement si elles s’inscrivent sur la commune chef-lieu du département” où elles sont incarcérées, explique Amin Mbarki.

Si elles sont par exemple écrouées à Saint-Malo, elles devront donc s’inscrire à Rennes et les détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la plus grande d’Europe, devront le faire à Evry. Ce choix du chef-lieu permet d’avoir un impact mesuré sur le vote à l’échelle d’une commune.