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France : dans les prisons aussi, le droit à la santé doit être garanti

Face au Covid-19, les prisons sont des lieux à risque. Les mesures de prévention sont difficiles à mettre en œuvre dans un contexte général de surpopulation carcérale et de manque de moyens. Garantir le droit à la santé des détenus et des personnels doit faire partie des réponses des autorités à cette crise sanitaire inédite.

La crise sanitaire qui frappe le monde entier n’épargne pas les lieux de privation de liberté que sont les prisons ou les centres de rétention. Souvent surpeuplées et manquant généralement de moyens, ces lieux sont particulièrement propices à la propagation du virus. Dans leur réponse à cette crise sanitaire inédite, les autorités doivent veiller à garantir aux détenus et aux personnels pénitentiaires le même niveau de soins qu’au reste de la population. L’accès à des services sanitaires ou à des produits d’hygiène de base (comme du savon ou du désinfectant) doit être prévu pour tous. Un rappel d’autant plus important que les détenus sont totalement dépendants de l’administration pour ces besoins.

DÉSENGORGER LES PRISONS

Les prisons sont majoritairement des lieux exigus et surpeuplés. Les détenus sont le plus souvent plusieurs par cellule. Cette promiscuité expose les prisonniers et les personnels à un risque de contamination accru. Libérer ceux des détenus qui sont libérables est une solution à privilégier par les autorités pour respecter leurs obligations en matière de droit à la santé. Des mesures doivent être prises pour libérer les personnes en détention provisoire - c’est-à-dire des détenus présumés innocents en attente de jugement – et prévoir la libération conditionnelle ou anticipée de prisonniers vulnérables aux virus, telles que les personnes âgées ou ayant de graves problèmes de santé. En France, à la mi-avril, d’après les autorités, la population carcérale avait diminué de plus de 10 000 personnes. Cette première phase de baisse de la population carcérale résulte de la libération anticipée de détenus en fin de peine et, pour la majorité, de la réduction du nombre de personnes placées en détention du fait de la diminution des délits et des contraintes de l’appareil judiciaire.

C’est un pas encourageant, mais encore insuffisant par rapport à la surpopulation carcérale. En pleine crise sanitaire, le taux d’occupation des prisons françaises est d’environ à 100%, empêchant par exemple, dans de nombreux endroits, des mesures d’encellulement individuel, afin de protéger efficacement les personnes détenues.

Avec l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a décidé de prolonger automatiquement les délais de détention provisoire. Cela signifie que des personnes qui n’ont pas encore été jugées pourront rester plus longtemps incarcérées. La détention provisoire, c’est-à-dire de personnes présumées innocentes, devrait toujours rester exceptionnelle, par exemple en cas de risques de violences ou de menaces sur des témoins. En France, à ce jour, d’après la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, au moins 20 000 détenus seraient en détention provisoire, avec un taux de surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt de 140%. Enfin, priver de liberté des personnes pour des questions liées à leur statut migratoire, en vue de leur éloignement du territoire, n’est généralement pas justifiable. En effet, en pratique, la fermeture des frontières rend le plus souvent impossible de procéder à leur renvoi pendant la période de pandémie. Leur privation de liberté ne poursuit donc, au regard du droit international, aucun but légitime et ne se justifie pas.

Pourtant, en France, des centaines de personnes restent enfermées dans des centres de rétention administrative (CRA) malgré les risques réels pour leur santé.

LA PRISON N’EST PAS UNE RÉPONSE À LA PANDÉMIE

La France a introduit une peine de prison en cas de violation répétée des obligations de confinement. Cela va donc à l’encontre de l’objectif de désengorgement des prisons et ne satisfait pas les critères de nécessité et de proportionnalité que doit respecter toute mesure privative de liberté. En outre, les règles mises en place sont nouvelles, leur interprétation reste encore à consolider et les tribunaux s’efforcent de réduire leurs activités dans le contexte de la pandémie de COVID-19 : dans ce contexte, il existe un risque important que les droits de la défense et à une procédure équitable ne soient pas respectés.

De manière générale, toutes les sanctions mises en place par les Etats doivent respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. Elles doivent donc être appliquées en dernier recours, s’il apparaît que l’objectif visé ne peut être atteint par d’autres moyens. Les Etats doivent s’assurer que les mesures imposées sont suffisamment précises à la fois pour éviter des interprétations arbitraires par les forces de l’ordre qui contrôlent leur application et pour favoriser l’appropriation des règles par la population. L’impact sur les groupes marginalisés doit être pris en compte pour éviter les discriminations.

Les enseignements tirés d’autres épidémies, du VIH à Ebola, montrent que les approches répressives peuvent compromettre l’efficacité de la réponse, notamment parce qu’elles ciblent souvent les communautés marginalisées, en situation de grande précarité ou de grande pauvreté, ou exposées à la discrimination. Ces approches répressives peuvent entraîner la stigmatisation, la peur et la perte de confiance dans les autorités. Une réponse efficace à une crise sanitaire doit se baser sur le respect des droits humains et mettre l’accent sur la responsabilisation et l’engagement des communautés et des politiques qui renforcent la confiance et la solidarité.