France : en quête de liberté

Les éducateurs sociaux sont amenés à accompagner des personnes ayant connu plusieurs années de détention. Il est nécessaire alors de considérer l’enfermement subi pour appréhender l’individu dans son environnement futur. Comment apprécier et se réapproprier le monde qui nous entoure quand nous en avons été exclus ? L’enfermement amène une sorte d’emprise qui empêche de voir, de voir librement.

Je leur propose alors, lors de nos entretiens, de parcourir des environnements proches, des balades chronométrées et des randonnées encadrées. Un semblant de liberté retrouvé dans des espaces naturels.

Cette photographie fait partie de la série À traversé : un composé d’images présentant ces traversées communes entre individus sous contrôle judiciaire et professionnels sous contrat, parcourant un chemin ensemble sur un temps déterminé. C’est alors que la photographie se mêle à la rencontre : je me présente à eux avec mon regard de photographe ; ils adhérent au projet photographique et à la mise en scène de leur image. La photographie est aussi, à la sortie de prison, une affaire de réhabilitation : avoir une place à l’image, une place choisie, dévoiler ou suggérer.

Le pied porte un bracelet électronique, symbole fort d’une liberté contrainte qui régule les temps de sortie de la personne. Je connaissais cette femme depuis deux ans, mais notre véritable rencontre s’est faite ce jour de prise de vue : elle souhaitait profiter de la photographie pour garder en mémoire son pied au bracelet électronique, une affaire qui allait bientôt être révolue. C’est elle qui a décidé du lieu de prise de vue : la forêt de son enfance. La mise en scène s’est élaborée à deux, entre le modèle et le photographe, qui s’accordent sur l’intention de l’image.

L’anonymat est essentiel dans ce projet. Il permet le droit à l’oubli, pour ne plus subir les regards et exclusions d’une société qui ne verrait que la machinerie électronique et non le pied humain. La quête de liberté des personnes en marge de la société est vaine si le système ne prend pas en compte leur vulnérabilité et leur parcours.