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France : entre le Genepi et l'administration pénitentiaire, la rupture est consommée

Déjà en froid avec l’administration pénitentiaire depuis 2017, l’association ne se rendra plus en prison. Elle souhaite se concentrer sur d’autres domaines, notamment son action antiraciste.

Le Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées) ne mettra plus les pieds en prison. Déjà dans les tuyaux depuis la dernière assemblée générale de juin, l’association d’étudiants a fait le choix d’attendre la rentrée afin d’officialiser son divorce avec l’administration pénitentiaire (AP). Ainsi, les “génépistes” mettent fin à leur activité historique et fondatrice d’accompagnement des détenus, fruit d’une divergence de point de vue actée en février. Le principal écueil ? Voir l’association vieille de 43 ans transformée en un “partenaire docile”, privée de sa “substance critique” selon les termes du communiqué publié mardi après-midi. Pour éviter cette issue, une seule solution : “Se couper un peu plus de l’institution-répression qu’est la prison.”

“L’accord signé en février fait du Genepi un prestataire de services cantonné aux activités scolaires”, raille Alice Toussaint, sa coprésidente. Exit les ateliers à vocation politique ou culturelle s’émancipant du cadre académique devenus chers au Genepi. Le message est clair, à l’image de leurs dernières campagnes de recrutement : “La prison nuit gravement à la société”, “l’Etat enferme, la prison assassine”.

L’association a fait le choix de dénoncer, quitte à mettre en péril la traditionnelle subvention annuelle de l’administration pénitentiaire. En 2017 déjà, le Genepi avait été menacé par la direction de l’AP d’une réduction de 40% de son chèque de 50 000 euros. Le pécule avait été sauvé in extremis par l’intervention de l’ex garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas. Mais, en octobre 2018, l’AP est passée au stade supérieur, en annonçant la suppression pure et simple du financement, mais aussi du partenariat la liant au Genepi. S’en sont suivis cinq mois de marasme, clôturés par la signature inattendue d’une nouvelle convention - celle, très insatisfaisante, de février 2019. Cependant, il est acté que plus aucun euro n’ira dans la poche du Genepi. “C’est comme attendre du Ministère de la Santé qu’il subventionne des associations antivaccins”, résume une source à l’AP.

“On nous a accusés d’homicide”

Du côté des autorités, on reproche au Genepi une baisse de “presque 80% du volume horaire d’ateliers en quatre ans”, doublée d’une “réduction du nombre d’établissements concernés, le tout à financement constant”. Un décompte contesté par le collectif. En outre, l’AP estime que le Genepi est “complètement sorti de l’enseignement, ce qui ne correspond plus au projet initial”. Les autorités pénitentiaires en tiennent pour preuves des campagnes “mal perçues”, notamment par les agents et les surveillants. “Sur certains suicides de détenus, on nous a accusés d’homicide”, renchérit l’AP, qui souligne néanmoins que le dialogue n’est pas définitivement rompu avec les étudiants.

Au Genepi, on s’estime victimes de l’ère du temps. Ni plus ni moins. Celle d’une époque nouvelle, où le muselage de toute éducation politique est devenu quasiment systématique. L’association dit constater “un durcissement répressif global à l’égard de tout ce qui est contestataire depuis l’arrivée de Macron”. Mais si la dernière convention a cristallisé les tensions, la décision du Genepi est aussi le résultat d’une réflexion menée en interne sur l’identité de l’association fondée en 1976. Quitter la prison pour s’affranchir d’une tutelle et abandonner une attitude parfois qualifiée de “schizophrénique” ? “En tenant des ateliers en prison, on devient des acteurs de la peine, tout en participant à la légitimation de la détention”, expose la coprésidente Alice Toussaint. Cet examen de conscience s’inscrit dans le prolongement d’une mutation amorcée en 2011, où le Genepi a changé ses statuts, abandonnant la formulation “réinsertion sociale des personnes incarcérées”, trop suspectée de cautionner le système, pour lui préférer l’objectif de “décloisonnement des institutions carcérales”.

La diversité en question

Les retours négatifs de la part de certains prisonniers ont également pesé dans la balance, assure la coprésidente du Genepi. “Dans l’immense majorité, nous sommes des étudiants blancs, privilégiés. Ce n’est pas anodin d’entrer comme ça en prison. Certains se disent : “Mais pourquoi viennent-ils encore nous faire la leçon ?”” En interne, la transformation n’est pas du goût de tous. En effet, le groupe Genepi Atlantique, pour qui “l’action en détention est une nécessité”, prédit la mort annoncée de l’association. En conséquence, la locale de Bordeaux s’est affranchie de la structure centrale, tandis que celles de Pau et Poitiers ont choisi de ne pas recruter de bénévoles pour cette rentrée 2019.

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