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France : première évaluation des impacts de la crise covid sur la justice et la prison

Dans le cadre du printemps de l’évaluation, le député Patrick Hetzel a remis un rapport qui fait le point sur le budget de la justice et l’impact de la crise covid-19. Si cette crise a un impact budgétaire limité, elle bouleverse les institutions judiciaires et pénitentiaires. L’administration pénitentiaire s’attend à une hausse limitée de la population carcérale dans les prochains mois.

Quelle hausse du nombre de détenus ?

Pour le député Patrick Hetzel (LR), rapporteur spécial du budget justice (v. Dalloz actualité, 7 mai 2020, art. P. Januel), la crise aura un impact limité sur les crédits de la justice, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Si elle amène à retarder certaines opérations immobilières (notamment les constructions de prison), les coûts directs (achat de matériel, vacataires, produits sanitaires) sont limités. Mais si l’impact budgétaire est limité, les effets sont très importants concernant l’activité de ces institutions. Ainsi, pour l’administration pénitentiaire, la crise a entraîné une chute du nombre de détenus (- 13 649). La moitié de cette baisse s’explique par la baisse des entrées en détention pendant le confinement. L’autre moitié par des sorties anticipées : 1 700 détenus ont bénéficié d’une assignation à domicile et 3 800 de réductions de peine exceptionnelles.

De nombreux acteurs envisagent un rebond de la population carcérale dans les prochains mois. La direction de l’administration pénitentiaire travaille sur plusieurs scenarii, et s’attend à une hausse limitée. Les trois scenarii envisagés prévoient entre 60 000 et 65 000 détenus au 1er janvier 2021, contre 72 575 détenus avant la crise. Le rebond serait donc nettement plus faible qu’après les grâces et amnisties des années 1980.

Pour limiter l’effet de rattrapage, le gouvernement compte sur la réforme des peines prévue la loi Justice, qui est entrée en vigueur le 24 mars. Il entend également “poursuivre l’expérience des libérations anticipées des détenus en fin de peine et veut inciter les juridictions à poursuivre le dialogue qu’elles ont entretenu avec les services pénitentiaires durant le confinement”.

Inquiétude sur les stocks judiciaires

Concernant la justice, “il est difficile de nier que la gestion de la crise a manqué de lisibilité, entraînant de nombreuses disparités selon les juridictions. Dans certains cas, il est ainsi apparu que ce n’étaient pas les chefs de juridiction qui organisaient l’activité, mais les magistrats en charge des pôles, en fonction des dossiers à traiter. En outre, les auxiliaires de justice, au premier rang desquels les avocats, n’ont été que très peu associés à la gestion de la crise”. Patrick Hetzel souligne également que “la réouverture des juridictions à partir du 11 mai s’est effectuée de manière très lente et très progressive mais surtout de façon différenciée selon la taille des juridictions”. La justice des enfants et la PJJ connaissent les mêmes problèmes de stocks.

Une mission de l’inspection générale de justice vise actuellement à préciser l’état des stocks des juridictions. Elle devrait fournir des premiers éléments en juillet. Pour résorber les stocks, un millier de vacataires seront recrutés pour une durée de trois mois afin de soutenir les greffes.

Concernant l’aide juridictionnelle, la baisse importante de l’activité est compensée par l’avance exceptionnelle versée aux avocats en difficulté, qui coûtera 50 millions d’euros en 2020 (mais sera récupérée sur les années suivantes).

En matière de développement informatique, le rapporteur délivre un satisfecit concernant les progrès faits en 2019. Toutefois, la crise a révélé plusieurs failles. Principal point noir : l’impossibilité, pour les personnels des greffes, d’avoir recours au télétravail, faute de pouvoir accéder aux applications à distance. Le ministère travaille à une solution technique de contournement permettant d’assurer un accès à distance des applications civiles.