France : prison, au-delà des murs

Marianne Rigaud-Roy. À l’issue de ce premier mois d’ouverture, nous avons enregistré une fréquentation remarquable de plus de 1 500 visiteurs par jour, en moyenne. Les retours du public font état d’une satisfaction liée notamment à la diversité des points de vue que nous offrons et à une certaine forme de neutralité de notre discours sur les enjeux contemporains de la prison. En effet, la complexité du sujet nous a amené à souhaiter pour ce projet, plus que jamais, offrir une pluralité de points de vue. L’exposition donne ainsi la parole aux acteurs principaux de la prison. Nous sommes bien dans notre rôle de musée. Le public familial ne semble exprimer aucun frein envers ce sujet. Les enfants accompagnent leurs parents dans l’exposition. Entendre parler de la prison à travers des objets aussi insolites surprend le visiteur. Tous peuvent y apprendre quelque chose et grappiller de l’information, voire de l’émotion grâce à la diversité des témoignages et des objets présentés. La surprise est au rendez-vous !

Regard transversal, diversité des collections : nous avons mêlé des objets venant de la prison, des objets interdits, confisqués, des objets fabriqués par des détenus, des créations d’artistes ayant travaillé longuement en prison, des photos documentaires ou artistiques, des extraits de films en grande quantité (documentaires, témoignages….).

Le public découvre l’inventivité des détenus qui se débrouillent avec les moyens du bord.
Au musée de Genève, le public était spécifique. Il s’attendait, en venant au musée international de la Croix-Rouge, à aborder ce type de thématiques, liées aux missions de la Croix-Rouge. De près ou de loin, une majorité de visiteurs connaissait la prison. Ses enjeux lui étaient en partie acquis. Le public du musée des Confluences est infiniment plus large. Nous avons mis en place une étude de réception réalisée dans les trois musées co-producteurs. À l’issue de la présentation au musée hygiéniste de Dresde, nous pourrons confronter ces expériences de publics à partir du questionnaire que nous avons mis en place. Le public est interrogé avant la visite sur ses représentations de la prison puis à la sortie de l’exposition, sur l’éventuel impact qu’elle a pu avoir sur son regard.

MRR. En effet, c’est une vaste question qui nous a occupés, avec nos collègues co-producteurs, tout au long de l’écriture. Les trois musées n’avaient pas la même expérience institutionnelle sur le traitement d’un sujet de société de nature polémique. Notre discours a régulièrement fait l’objet d’ajustements tout au long du travail. À cela s’ajoute que nos pays connaissent trois réalités différentes de la prison et présentent à la fois des divergences et des points communs… Il a donc fallu doublement nous entendre sur un niveau de discours global respectant nos particularités.

C’est la première fois au musée des Confluences que nous abordons un sujet de société qui comporte à la fois une profondeur historique et une réalité présente au quotidien sur la scène médiatique.

Pour ce sujet complexe, nous avions à Lyon le souci de construire un discours le plus neutre possible. Pour ce faire, plusieurs voix s’expriment dans l’exposition : détenus, surveillants, directeurs de prison, médecins, services d’insertion et de probation, familles de détenu, familles de victime, association de réinsertion, experts scientifiques…
Avant l’ouverture à Lyon, nous nous interrogions sur la réceptivité de notre public, de la presse et des experts. Dès les premiers jours, nous avons été rassurés. La pluralité des prises de paroles, la diversité des collections présentées et l’originalité du traitement conduisent à une très bonne réception. L’exposition est par ailleurs enrichie par une programmation culturelle dense composée d’une série de rencontres et de tables-rondes.

MRR. J’étais le public lambda et une citoyenne qui ne connaissait pas grand-chose à la prison. Je n’étais pas particulièrement documentée. J’avais des a priori, peut être. Deux ans et demi de recherches et de lectures m’ont passionnée. Travailler avec deux autres pays m’a aussi permis de regarder ailleurs. Nous avons tous appris de cette collaboration. Ce qui nous a en premier lieu surpris en nous documentant sur l’histoire de la prison, c’est le contexte de sa naissance, à la Révolution française et le fait qu’elle ait été pensée comme une humanisation de la peine au regard des châtiments corporels pratiqués alors.

Cette donnée nous a accompagnés tout au long du processus de l’écriture. Et déjà, au 19ème siècle, les premières critiques de la prison apparaissent ! C’est une découverte qui aide à réfléchir à la prison d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons conçu cette introduction autour de la notion de punir : pourquoi les sociétés punissent-elles ? Quel rôle pour la prison ? Comment punir autrement et comment le fait-on dans d’autres sociétés ? Grâce à un large comité d’experts, parmi lequel on trouve une personnalité comme Denis Salas, avec sa vision synthétique et clairvoyante du sens de la peine, nous comprenons qu’il est nécessaire que la société s’interroge sur l’enfermement. La dernière partie de l’exposition qui traite de justice restaurative ouvre la réflexion.