Depuis 1991, l’association Les Musiques de la Boulangère a mis en place à la maison centrale de Saint-Maur, près de Châteauroux, une structure culturelle au sein de laquelle a été créé un pôle de traitement, de duplication et de numérisation de fonds sonores.
Archives magnétiques de France Culture, France Musique, France Inter… une bonne partie du patrimoine radiophonique public y est sauvegardé pour le compte de l’Institut National de l’Audiovisuel. Le recrutement s’effectue au niveau national, donnant la possibilité à des détenus d’autres centrales d’être transférés à Saint-Maur pour intégrer l’atelier.
Les prisonniers, volontaires, signent un contrat de travail et reçoivent une formation. Ils sont rémunérés au SMIC et tournent en alternance sur les différents postes : responsable d’équipe, opérateur de numérisation, contrôleur du travail.
Le cadre professionnel, juridiquement hors-norme, n’est qu’une partie de ce dispositif nommé “Le Studio du Temps” : il faut imaginer un espace mixte conçu autour de cet équipement professionnel de numérisation sonore (studios climatisés sur dalles flottantes, double-vitrages), articulé avec des activités culturelles et de création musicale, des formations professionnelles, le tout offrant des débouchés potentiels sur les métiers du son[^metier].
“Ce qui fonctionne en général comme la cause et le signe de la déchéance (la longue peine, confinant à la “perpétuité”, qui exclut l’individu de la société et le marque comme “irrécupérable”) pourrait-il devenir une condition favorable à l’insertion actuelle du détenu dans un système d’échanges, à sa prise en charge d’une fonction correspondant à des besoins collectifs ?”, s’interroge le philosophe Étienne Balibar, témoin des premières années de l’expérience.
Au Studio du Temps, le temps justement – dimension cruciale de la détention – est partagé en plusieurs séquences : temps de travail au poste de numérisation (diversifié selon le principe de la rotation des postes), temps de formation continue et temps de création. Afin de préparer leur sortie, les détenus ont la possibilité de suivre des formations qualifiantes à d’autres métiers du son (son à l’image, sonorisation de spectacles, traitement du son, techniques radio…). Une dizaine de fois par an, ils reçoivent la visite de professionnel·les de la radio, de l’audiovisuel, de la musique, etc. avec qui ils ont l’occasion d’échanger professionnellement, de collaborer parfois directement en atelier de création et de se constituer un réseau. Et, enfin, deux studios de création sonore sont à leur disposition, dans lesquels ils tournent en alternance avec des projets personnels.