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Source : Libération
Voir le panoramaFrance : Walid, du "trou noir" de l’enfance à la réinsertion
L’homme de 36 ans, dont la jeunesse a été rythmée par les convocations au tribunal, a enchaîné les peines de prison avant de parvenir à se reconstruire.
La première fois qu’il est allé en prison, Walid1 s’en souvient parfaitement. Il avait 17 ans. C’était le jour de la rentrée des classes. “Je suis monté dans la camionnette des gendarmes avec les menottes. Là, j’ai vu passer un pote. Il allait à l’école avec son sac. Moi, je prenais un autre chemin.” C’était un 4 septembre, comme le soir de notre rencontre. Jovial, l’air un peu plus vieux que ses 36 ans, cet ancien mineur délinquant déroule ses souvenirs devant un diabolo menthe «avec paille». Et raconte combien il est difficile de ne pas récidiver sans un véritable accompagnement.
Gardes à vue
Fils d’un ouvrier immigré et d’une mère au foyer, Walid a grandi dans un village en rase campagne. “C’est pas ça qui m’a empêché de faire des conneries.” Il a 14 ans quand les “conneries” commencent, entre ennui et désœuvrement. “On fumait du shit, on buvait du vin. Au pire, on volait un vélo ou des cerises.” Mais un soir, la bande de copains, inspirée par Ma 6-T va crack-er et Raï, jette un cocktail Molotov. Direction le poste de gendarmerie, puis le cabinet de la juge pour enfants. Sa première mesure éducative ? Une rédaction. “Je me rappelle bien parce que j’étais nul en français.» «A partir de là, tout s’est enchaîné jusqu’à ma première incarcération, deux ans après”, résume l’adulte désormais rangé des voitures. L’adolescent turbulent finira “au moins une dizaine de fois” dans le bureau de la magistrate. A la maison, l’ambiance est compliquée. Sans trop s’épancher, le trentenaire évoque des “problèmes familiaux” et “une absence de dialogue”. Pendant quelque temps, un éducateur vient une à deux fois par mois au domicile familial. “Il buvait un café, discutait avec mes parents, mais ça s’arrêtait là», dit Walid, regrettant de n’avoir pas eu «un suivi plus personnalisé”. “J’ai le sentiment qu’on n’a pas vraiment cherché à me comprendre. Personne n’a essayé de trouver la racine du problème.”
A 15 ans, il est placé en foyer. Une expérience ambivalente : “Ça me changeait de chez moi, c’était mieux que d’avoir les problèmes de la maison. Mais je me suis retrouvé avec des mecs de cité ou de la Ddass.” Walid, qui n’aime déjà pas beaucoup l’école, finit par décrocher complètement de sa 4e techno. Avec ses nouveaux acolytes, il multiplie les fugues. “On prenait un train de nuit au hasard, on se retrouvait dans des villes qu’on ne connaissait pas.” Ils dorment sur des bancs à l’arrache, n’ont «pas de thune», vivotent en chapardant dans les wagons ou à la supérette. Un jour qu’elle tente de rejoindre Marseille, la bande s’essaie à son premier vol de voiture… et se fait attraper en flag. C’est la première garde à vue. Avec le recul, le trentenaire observe : “Le foyer, c’est juste un éloignement, mais au final on s’engrène ensemble !” Le fugueur récidiviste n’y restera que quatre mois, renvoyé chez ses parents. Livré à lui-même. “Comment c’est possible d’être placé puis de revenir chez soi au bout de quatre mois ? C’est incohérent”, estime-t-il aujourd’hui.
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le prénom a été modifié. ↩