ZW. La réaction de l’État face à la Covid-19 dans les prisons s’est fait attendre. Les organisations de la société civile suivaient la propagation du virus dans le monde, et elles ont alerté le gouvernement à la fin du mois de mars, sans avoir de réponse dans un premier temps. Le premier cas détecté en prison a été signalé le 6 avril, si je ne me trompe pas. C’était un surveillant, qui avait assisté à un enterrement et qui a été testé positif par la suite. Les chiffres ont continué de grimper, de plus en plus haut. À ce jour [le 9 juin], nous en sommes à 1 128 cas positifs et huit décès. .
Au fur et à mesure que de nouveaux cas étaient découverts, le gouvernement a commencé à réagir. Toutes les visites en prison ont été suspendues, même pour les représentants légaux, ce qui a soulevé une forte inquiétude quant à la protection des droits fondamentaux. L’inspection des services pénitentiaires (Judicial Inspectorate for Correctional Services) n’y avait pas accès non plus. On sait qu’en temps de crise, il peut y avoir davantage de vulnérabilité et de violences.
Personne ne nous tenait au courant ce qu’il se passait dans l’enceinte des prisons. C’était un gros problème.
Les tribunaux étaient également fermés, et aucun détenu n’a pu être être transféré pour son procès. Les procès n’ont pas pu se tenir à distance, car très peu de prisons disposent d’un équipement adapté. Ainsi, la chaîne judiciaire a pris beaucoup de retard. Les prévenus ont dû attendre leur jugement pendant plus longtemps.
D’après les autorités, des EPI et des masques sont fournis dans les prisons, et tout est désinfecté. Cependant, depuis le début, nous avons reçu plusieurs plaintes de la part de détenus et de leurs proches, qui indiquent le contraire. Ils sont inquiets et désespérés. Nous avons contacté le gouvernement, transmis les plaintes, mais n’avons reçu aucune réponse. Nous avons donc organisé plusieurs actions de plaidoyer et écrit à de nombreux médias : nous avons demandé au gouvernement d’en faire plus, et de le faire mieux, pour endiguer cette épidémie.
Finalement, le 8 mai, l’État a annoncé la mise en liberté conditionnelle de 19 000 détenus, en priorité les personnes âgées, les femmes, les enfants, et ceux qui ont des antécédents cardiovasculaires. Un mois plus tard, ils ne sont toujours pas libérés.
Au début, on était plus indulgents, parce que les autorités avaient annoncé que ces mises en liberté conditionnelle seraient accordées selon la procédure habituelle. Après un mois, les détenus et leurs familles attendent toujours, sans savoir ce qu’il se passait. Les autorités ont indiqué que les libérations auraient lieu dans le cadre d’une initiative de justice, mais ils n’ont toujours pas expliqué ce que ça signifie.
Nous avons demandé aux autorités quels services seraient proposés à ces personnes. En temps normal, les prisonniers ont du mal à se réinsérer, mais ça va être encore plus dur maintenant, surtout pour les communautés défavorisées où beaucoup ont perdu leur emploi pendant cette période. Nous n’avons pas eu de retour non plus à ce sujet, donc nous avons envoyé une deuxième lettre au ministre. Ce n’est que récemment que le gouvernement a publié un plan officiel au sujet de la gestion de la Covid-19 dans les prisons. Jusqu’alors, on ne pouvait pas le tenir pour responsable. Le plan publié il y a un mois n’est qu’une procédure opérationnelle standard, avec presque aucune référence aux droits humains, ou à la protection des détenus. Cet aspect des choses n’a pas encore été envisagé à ce jour.
Les services pénitentiaires ont pris l’initiative de poster sur Internet des statistiques, mises à jour presque quotidiennement. C’est très bien, même si, honnêtement, je ne comprends pas pourquoi ils l’ont fait. Toutefois, ce pourrait être intéressant d’avoir accès aux données ventilées pour savoir combien de tests ont réellement été effectués.
Puisque les administrations publiques ne testent que les personnes qui présentent des symptômes, il y en a peut-être beaucoup plus qui sont positives tout en étant asymptomatiques. Nous devons aussi savoir qui est concerné par ces dépistages : les prisons pour femmes et centres de détention provisoire sont-ils inclus, par exemple ?