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La place de l’aveu dans la détention provisoire

Deux chercheurs ont étudié la trajectoire de 117 mis en examen placés en détention provisoire. Si cette étude se base sur un échantillon réduit, le rapport de recherche met en évidence la place majeure de l’aveu dans la sortie de détention provisoire.

Ce rapport de recherche a été rédigé par Arnaud Derbey et Sacha Raoult pour l’ORDCS. Un groupe d’étudiants a recueilli 790 documents concernant 259 mis en examen. Parmi eux, 117 avaient des trajectoires complètes (du placement au procès). L’analyse de ce corpus a été complétée par des entretiens avec dix avocats et quatre magistrats.

Même si les motivations sont parfois réduites (v. Dalloz actualité, 26 sept. 2018, art. L. Priou-Alibert), les magistrats du siège sont trois fois plus favorables que ceux du parquet à laisser les individus sortir en contrôle judiciaire (34 % contre 8 %). Trois critères sont quasi-systématiquement utilisés pour motiver les détentions provisoires (plus de 85 % des dossiers) : elle est justifiée par le fait qu’il faut empêcher la concertation, prévenir le renouvellement de l’infraction et garantir que le mis en examen restera à disposition de la justice. Viennent ensuite la volonté d’éviter les pressions sur les témoins (plus de la moitié des dossiers), de prévenir un trouble à l’ordre public (le quart) et de conserver les preuves (20 %).

Au-delà des motivations, l’équipe a étudié, dans les dossiers, les déterminants conduisant à une détention provisoire plutôt qu’un contrôle judiciaire. Ceux-ci sont proches des déterminants de la condamnation à de la prison ferme : “il vaut mieux être une femme qu’un homme, mineur que majeur, avec emploi que sans, ne pas avoir d’antécédents judiciaires, ne pas avoir employé d’arme et ne pas être soupçonné de faire partie d’une bande organisée”. La situation familiale peut être perçue comme un signe d’insertion ou un facteur pénalisant si d’autres membres sont aussi impliqués dans l’affaire (comme complices, victimes ou témoins).

Faute avouée à demi-pardonnée

Mais les statistiques font apparaître une place privilégiée pour l’aveu : sur 117 mis en examens, 38 sont considérés comme “en dénégation”. Seuls deux d’entre eux sortent de détention avant leur procès. À l’inverse, la plupart de ceux qui avouent finissent par sortir.

Comme le montre le tableau, l’aveu doit être complet pour bénéficier au détenu.

En utilisant un modèle de régression, à âge ou durée de détention égaux, une personne qui avoue aura quinze fois plus de chances de sortir de détention provisoire. Une analyse par arbre à choix montre qu’avouer à un juge d’instruction suffit à obtenir un contrôle judiciaire, mais que pour satisfaire le juge des libertés et de la détention, il faudra, en plus de l’aveu, ne pas avoir d’antécédents.

L’aveu ne figure pas dans les critères légaux des motifs de détention provisoire, prévus à l’article 144 du code de procédure pénale. Mais, pour reprendre l’expression d’un magistrat : “les critères du CPP, y en a toujours un ou deux qui marchent, toujours !”.

Pour les deux chercheurs, “ce qui pousserait un magistrat à ordonner un placement en détention provisoire ne serait pas - seulement - les critères de 144, mais une considération extérieure”. “Les motivations formellement exprimées dans la décision ne sont que la partie visible de l’iceberg. La partie immergée serait relative à l’aveu”. Par ailleurs, la dénégation contraint les enquêteurs à rallonger les investigations. Enfin, l’aveu “permet au magistrat, plus que n’importe quelle autre variable, de s’assurer de la coopération du prévenu.”

Alors que les autorités n’arrivent pas à enrayer le haut niveau de détention provisoire qui pèse sur la surpopulation carcérale (v. Dalloz actualité, 2 juill. 2018, art. P. Dufourq), ce rapport de recherche met en exergue des déterminants intéressants. Cette recherche sera prolongée, sur un plus grand échantillon dans une publication ultérieure. Elle serait pertinente pour mieux identifier la place de l’aveu au cours de l’enquête (l’aveu favorise-t-il la fin de l’enquête, ou au contraire arrive-t-il à l’issu de ce processus ?) et sa probabilité en fonction de la gravité de l’infraction suspectée.

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