J’ai une autorisation de la délégation de l’administration pénitentiaire pour visiter les prisonniers chrétiens, ou les chrétiens prisonniers. L’Église catholique visite quasiment toutes les prisons du Maroc dans lesquelles des chrétiens sont incarcérés. Nous rencontrons uniquement les chrétiens -, ceux qui se présentent comme tel, de toutes confessions. Nos amis protestants ne sont pas assez nombreux pour faire cette mission.
Je peux me rendre chaque semaine dans deux prisons, et chaque quinzaine dans deux autres prisons. On rencontre les gens en groupe, en général durant une heure. Dans les prisons d’Arjat II (à 15km de Rabat) et de Tiflet II (à 60km de Rabat), je rencontre alternativement un groupe d’hommes et un groupe de femmes. Pour les visites avec les femmes, il y a toujours une surveillante. Avec les hommes, pas toujours, ça dépend. La visite s’effectue au parloir en présence des surveillants. C’est aussi pour me protéger, même si je n’ai jamais vu qui que ce soit péter un plomb en ma présence.
Les groupes de visite varient beaucoup en taille : cela va d’une personne dans la prison d’Arjat II à 90 personnes à Tiflet II. Dans un groupe, il y a 30 femmes de huit ou dix pays différents. L’immense majorité a entre 25 et 40 ans, mais il y a des anciens aussi. C’est très international : Nigéria, quelques pays africains, Amérique latine, Chine, France, Lituanie, Espagne, Guinée… On voit le monde entier.
Comme je ne suis pas doué en langue, je compte sur les prisonniers. À Tiflet II, deux femmes traduisent vers l’anglais ou vers le français. Les lusophones comprennent à peu près l’espagnol, donc ça marche bien. Selon les accents, et si le traducteur n’est pas très doué, ça n’est pas facile. Parler de la pluie et du beau temps, j’y arrive, mais parler du Bon Dieu…c’est plus compliqué.
Le système marocain prévoit que les prisonniers ont le droit de recevoir la visite de leur famille. Pour les prisonniers migrants, les familles sont à cinq ou dix mille kilomètres, donc nous sommes un peu leur famille. C’est compliqué pour eux : ils ont des besoins que les familles des détenus remplissent habituellement. Quand il n’y a pas de famille, et bien… je fais un peu l’intermédiaire. Par exemple, je suis allé retirer de l’argent ce matin à Western Union pour l’apporter à une détenue de la part de sa famille.