ILS ONT ENTRE 21 et 27 ans. Ils ont l’âge des stars du Mondial. Pourtant, c’est derrière l’écran que leur match se joue. En visite à la prison de Saint Pétersbourg, Yana Teplitskaya obtient plusieurs témoignages attestant d’un recours systématique à la torture contre des militants de gauche. La jeune femme dénonce ces pratiques au risque d’une repression manifeste.
Le procédé est simple. Sous prétexte d’avoir comme point commun la pratique du “strikeball” et d’être proche de mouvements d’extrême gauche, de jeunes hommes ont été arrêtés par les services de renseignement. Sans mandat officiel, ils ont été interrogés dans des cellules mobiles, à l’abri des regards, et frappés à coups de bâton, tasés, pendus par les pieds et électrocutés sur les parties génitales. Ces tortures avaient pour but de faire avouer aux jeunes militants leur prétendue appartenance au “réseau”. Un réseau qui, selon les services secrets, projetait de perpétrer des attentats lors de la Coupe du Monde. Le recours à la torture ne s’opère pas seulement sur le plan physique.
Chantages, menaces de représailles contre les proches et insultes sont autant de mesures pensées par les services secrets pour contraindre les opposants à réitérer des accusations pré-écrites. Dans ces aveux, une place au sein de l’organisation leur est attribuée. Le profil du parfait terroriste est créé.
Pour l’ancien KGB, le FSB, cette culpabilité est étayée par des pièces à conviction retrouvées dans les appartements des jeunes gens. Les services de renseignement dressent un inventaire des armes amassées : fusils de chasse, grenades et composants pour explosifs. Si les militants contestent la possession de tels objets, le FSB affirme de son côté avoir mis la main sur un carnet du “réseau” où seraient consignées les règles de recrutement des nouveaux membres du groupe. L’ancien KGB trace ainsi le soi-disant itinéraire des “terroristes” en produisant des preuves de toutes pièces.
Le dernier acte de cette mise en scène se déroule à huis clos dans les cours de justice. Les prévenus sont poursuivis pour “appartenance à une organisation terroriste”. Ils encourent 10 ans de prison ferme sans possibilité de libération anticipée.
Les journalistes ont un accès restreint aux éléments du dossier et aux audiences. Cinq des six avocats présents aux procès de Penza ont signé des accords de confidentialité.
La justice est également rendue hors des tribunaux. Les médias discréditent les jeunes militants auprès du grand public. La chaîne publique NTV se fait le porte-voix des services secrets en diffusant, en prime time, “une enquête” démontrant la culpabilité des opposants. Les allégations portées par Yana Teplitskaya trouvent ainsi peu d’écho. Cette dernière est décrite par les journaux pro-gouvernementaux comme une “défenseure qui soutient les terroristes”.
Les parents des victimes, regroupés en collectif de soutien, font eux-mêmes l’objet de menaces et de chantages. Certains affirment avoir été approchés par les services secrets. Le FSB leur aurait proposé de témoigner contre leur progéniture pour que celle-ci bénéficie de condamnations plus clémentes et de meilleures conditions d’incarcération.