Je vais tout te raconter depuis le début. À partir de mon arrivée au commissariat jusqu’à mon transfert ici, à la prison de Campinas (État de Sao Paulo).
Je me suis rendu volontairement à la police fédérale, mais il est marqué sur la condamnation que j’ai été arrêté dans la rue. Je suis resté 11 jours au commissariat où nous étions parfois jusqu’à 40 dans la même cellule. Il y avait seulement un trou dans le sol où nous pouvions faire nos besoins. Et on nous donnait seulement du riz à manger.
J’ai été transféré, le 14 mars 2017, à la prison de Campinas. Ici, c’est un régime semi-ouvert et c’est le deuxième plus grand complexe pénitentiaire d’Amérique latine.
Normalement, j’aurais dû effectuer ma peine en travaillant la journée et en rentrant le soir en prison. Mais toutes les prisons de São Paulo-Capital étaient pleines et j’ai donc été envoyé à Campinas où je dois rester toute la journée en prison .
Ici, dans cette prison, il y a 13 quartiers. Chaque quartier héberge environ 200 prisonniers. Certains sont pleins, il n’y a pas de cellules ni de lit pour tout le monde. Dans le mien par exemple, il doit y avoir environ 150 hommes qui dorment par terre dans le parlatorio, à deux sur un matelas .
Chaque jour nous devons nous réveiller à quatre heures du matin pour faire la queue pour le petit déjeuner, servi à cinq heures. Nous avons un bout de pain à manger avec du café et du lait. Le déjeuner est servi à 10h30. Nous avons du riz avec des haricots rouges, parfois de la viande hachée ou du poulet. Si nous voulons manger des sucreries ou un dessert, nous pouvons uniquement compter sur nos visiteurs qui peuvent nous en apporter… Le diner, lui, est servi à 15h30. Après ça, nous ne mangeons plus rien de 15h30 jusqu’a 5h du matin.
Nous pouvons sortir de notre cellule dès notre réveil, mais les portes sont ouvertes uniquement entre 7h et 17h. Nous pouvons nous déplacer comme nous voulons. Nous pouvons faire du sport mais il arrive que les matons viennent et nous enlèvent de là sans que nous sachions pourquoi.
Tous les jours, à 6 heures et à 18h, a lieu le comptage. Nous devons sortir du quartier sinon nous risquons d’être envoyé au pote (cellule de 2 mètres carrés, toute obscure, il y a juste un trou dans le sol pour pouvoir faire ses besoins).
Ici, ils ouvrent l’eau de 4h jusqu’à 9h du matin. Nous avons de l’eau à nouveau le soir, durant 30 minutes, parfois une heure. Nous passons donc des journées entières sans eau. Il n’existe qu’un point d’eau où nous pouvons boire, mais il y a toujours une queue interminable.
Il y a, en tout et pour tout, dans mon quartier, quatre douches d’eau froide et une d’eau chaude. Et nous sommes environ 300. Il m’arrive de passer deux jours sans prendre de douche.
Généralement je me réveille, je prends mon petit déjeuner ou non, je marche, je discute avec les quelques amis que je me suis fait ici et c’est tout.
Avant je travaillais en cuisine, je faisais à manger pour les fonctionnaires de la prison. Mais un jour en arrivant, il n’y avait plus ma carte de travail. Ils m’ont dit qu’ils allaient me donner un autre travail mais jusqu’à maintenant, rien, j’attends.
A chaque trois jours travaillés, nous obtenons un jour de remise de peine. Nous devons aussi recevoir un peu d’argent, mais je ne sais pas combien car je n’ai toujours rien reçu.
Il y a aussi une école ici. Il y a beaucoup de monde pour peu de place. Et c’est le même fonctionnement que pour le travail, à chaque trois jours étudiés correspond un jour de remise de peine.
Ici, j’ai un portable un jour sur deux. J’ai acheté la moitié d’un portable avec un autre prisonnier. J’aimerai bien en avoir un entier mais pour ça il faut que je vende ma moitié de portable et que je rallonge encore de 600 réaux. En plus, un chargeur ici coûte 200 réaux. Les jours ou je n’ai pas mon portable, c’est horrible. Généralement je reste allongé pour essayer de dormir mais je pense à la vie et je n’arrive jamais à dormir ! Alors j’attends mes 3–4 amis, qui eux travaillent. Quand ils arrivent, on discute un peu et à 17h ils ferment le quartier. Ils rentrent dans leur secteur et moi dans le mien.
Je me couche généralement autour de 21h, selon si j’ai mon portable ou non. Hier, par exemple, je suis allé dormir à 1h du matin parce que je l’avais.
Ma prison n’est pas la pire. Le Premier commando de la capitale (PCC) est aux commandes ici. Ils établissent des règles pour qu’il n’y ait pas de confusion, pas de disputes. Ces règles doivent être suivies.
Le PCC nous apporte du soutien. Tu ne peux insulter personne, provoquer personne, sinon ils viennent, nous “remettent les idées en place”, et peuvent aussi nous punir.
Quand nous recevons de la visite et que les familles viennent, nous ne pouvons pas être torse nu. Nous devons baisser la tête quand les visiteurs passent, et ne pouvons regarder personne dans les yeux. C’est une discipline qui n’a même pas cours dans la rue ici, au Brésil. Par exemple quand mon père vient me voir, mes amis ne le regardent même pas, sauf si je les autorise à venir discuter avec nous. Lorsque ce sont les femmes qui viennent visiter, c’est encore plus strict !
Quant aux matons, il y en a quelques uns qui provoquent et d’autres qui sont plus tranquilles. Les matons ont peur du PCC et nous on a peur des matons. Donc ça instaure un respect entre les deux camps. Si tu fais le malin, ils peuvent t’emmener au pote et tu restes là bas comme si tu étais au coin. Il y a des matons qui nous traitent comme si on était des poubelles.
Mais c’est une bonne chose que le PCC gère la prison. Anciennement, c’était la loi du plus fort. Maintenant, c’est la paix qui règne.
Ici il y a beaucoup de personnes qui devraient déjà être libérées mais ils n’ont pas d’avocat pour les défendre, alors ils restent ici. J’ai été condamné à trois ans de prison mais j’ai l’espoir de pouvoir sortir avant.
Je sais que j’ai fait du mal, mais je n’ai tué personne, je n’ai pointé d’arme sur personne. Je pourrais payer différemment pour mes erreurs. J’attendais mon jugement en liberté depuis mai 2011. J’avais trouvé un travail, j’avais mon propre bar, et maintenant je l’ai perdu. Quand je vais sortir, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Si je n’avais pas muri, si je n’avais pas ma famille et mes amis, je recommencerais à voler. La prison n’éduque personne, elle ne fait qu’empirer les choses, elle te fait juste sentir encore plus de haine. Personne ne se reconstruit en enfer.
S., pour Prison Insider