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Source : Jeune Afrique
Voir le panoramaSénégal : l'escrime pour les mineurs en prison, une réinsertion à fleurets mouchetés
Dans son dernier documentaire, « La liberté en prime », projeté à Dakar en avant-première vendredi dernier, le réalisateur Nils Tavernier explore une expérience inédite menée à la prison de Thiès, au Sénégal : l’enseignement de l’escrime comme outil de réinsertion pour les mineurs incarcérés.
Il a découvert le Sénégal à l’âge de 12 ans, à l’occasion du tournage du mythique Coup de torchon, réalisé par son père, Bertrand Tavernier. Une expérience fondatrice, qui lui avait inoculé le virus de l’image. Nils Tavernier, 50 ans, y est revenu régulièrement depuis, s’intéressant notamment, en tant que documentariste, aux talibés sénégalais dans le cadre d’une série de films sur les enfants de la rue. Cette fois, pendant un an et demi, il a planté sa caméra dans le quartier des mineurs de la Maison d’arrêt et de correction (MAC) de Thiès et dans un Centre sportif de la ville où, depuis 2013, à l’initiative de l’association Pour le sourire d’un enfant, animée par sa vieille complice Nelly Robin, une initiative novatrice a vu le jour.
Adolescence cabossée
Deux fois par semaine, des mineurs incarcérés, filles et garçons mêlés, sont extraits de la MAC pour recevoir des cours d’escrime. Une discipline atypique en prison – et au Sénégal en général – censée favoriser leur réinsertion en leur inculquant le sens des responsabilités et le respect de l’autre, tout en réhabilitant l’estime de soi de ces adolescents cabossés, mis au ban de la société dès leur plus jeune âge.
En creux, La liberté en prime (40′) aborde aussi le sujet sensible de la pénalisation de l’avortement au Sénégal. À Thiès, quelque 6% des mineures incarcérées le sont pour avortement illégal, un délit parfois requalifié en infanticide et passible, dans ce cas, de lourdes peines. L’avant-première du film s’est déroulée vendredi 27 novembre au Théâtre de Verdure de l’Institut français de Dakar, en présence du ministre de la Justice, l’avocat Sidiki Kaba, qui a soutenu ce programme emblématique d’une justice qui se veut « réparatrice ».
Jeune Afrique : Pourquoi l’escrime a-t-elle été privilégiée dans le cadre de ce programme d’aide à la réinsertion des mineurs incarcérés ?
Nils Tavernier : La tenue en elle-même a son importance. Dans la plupart des cultures, le blanc est associé à la pureté, à l’innocence. Vêtus de blanc, le visage dissimulé derrière un masque, ces jeunes portent un autre regard sur eux-mêmes. On retrouve le blanc dans le kimono de différents sports de combat, mais avec l’escrime il n’y a pas de contact physique. On doit gérer son énergie et sa violence par le biais du fleuret.
Une autre dimension importante est que ces jeunes doivent lever la main lorsqu’ils ont été touchés, un peu comme on reconnaîtrait spontanément une faute, une part de responsabilité. Même chez les adultes, admettre une erreur ne va pas de soi. Cela contribue à les responsabiliser. Enfin, ils vont aussi exercer la fonction d’arbitre, ce qui les hisse à un autre stade de responsabilité, en les plaçant en situation de juger deux de leurs camarades. Un rôle qui les prépare aux jugements qu’ils auront à exercer, à leur sortie, avec leur femme, leurs enfants, leur entourage…
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