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Syrie : les prisonniers du régime, un business juteux pour les escrocs, face à des familles désespérées

Dans une Syrie en guerre où des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues, où les arrestations arbitraires et les décès sous la torture sont monnaie courante, des intermédiaires ont transformé les recherches des familles en un commerce lucratif.

Avocats, commerçants, députés, militaires ou policiers, tous ont un point commun : arguant de contacts privilégiés avec les appareils sécuritaires, ils réclament des sommes astronomiques pour retrouver un fils ou un frère happé par le réseau tentaculaire des prisons, obtenir une libération, un simple droit de visite, ou alléger une condamnation. Certains y arrivent. D’autres empochent l’argent sans contrepartie.

Pour Diana Semaan, chercheuse à Amnesty international, il s’agit d’un phénomène de “marché noir”: “Les familles qui recherchent désespérément des informations finissent par payer des sommes énormes, parfois même les économies de toute une vie, à des intermédiaires proches du gouvernement syrien”, indique Diana Semaan.

Depuis 2011, un demi-million de personnes ont été emprisonnées, tandis que 60 000 détenus sont morts sous la torture ou en raison des mauvaises conditions de détention, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). La pire des prisons reste celle de Saydnaya, près de Damas, qualifiée “d’abattoir” par Amnesty international.

La dernière fois qu’Oum Yehia a vu son fils, c’était à l’occasion d’une visite six mois après son interpellation, en 2012, à Idleb (nord-ouest).“Il pesait à peine 50 kilos, contre 110 kilos naguère“, se souvient la quinquagénaire. Depuis, plus aucune nouvelle. “Qu’il soit vivant ou mort, je veux savoir”, insiste la mère qui a dépensé des petites fortunes, parfois à l’insu de son mari, pour payer moult intermédiaires. La famille a vendu deux terrains et la maison à Idleb, sans succès.

Dans un rapport publié en janvier, l’Association des détenus et des disparus de Saydnaya (ADMSP) accusait le régime d’utiliser les prisonniers et les disparus comme “un moyen de s’enrichir” et “d’accroître l’influence des services de sécurité, de puissants du gouvernement, de certains juges ou avocats”.
Selon une estimation calculée par ADMSP, le régime et ses réseaux spécialisés pourraient ainsi avoir reçu près de 900 millions de dollars en une décennie.