Contributeur(s)Association de la société civile dans le système pénal (Ceza İnfaz Sisteminde Sivil Toplum Derneği, CİSST)

Introduction

La Türkiye a le taux d’incarcération le plus élevé et la population carcérale la plus importante des pays membres du Conseil de l’Europe. Elle croît significativement à partir des années 2000. Au début de cette période, environ 58 000 personnes sont incarcérées. Le pays compte, en 2024, plus de 300 000 personnes détenues. Cette augmentation de la population carcérale a pour conséquences une surpopulation et de graves manques d’effectifs des personnels de sécurité, socio-éducatif et médical. Le gouvernement entreprend d’intenses projets de constructions dans l’espoir de moderniser le parc pénitentiaire. Plusieurs nouveaux établissements sont bâtis chaque année. De plus anciens ferment leurs portes. Un grand nombre de ces nouveaux établissements sont des établissements de haute sécurité. Les personnes détenues y sont soumises à différents degrés de privation sensorielle et sociale.

Un nombre croissant de personnes sont, après la tentative de coup d’État de 2016 et la déclaration d’état d’urgence qui s’ensuit, condamnées au titre de la loi antiterroriste de 1991. On retrouve, parmi ces personnes incarcérées, des opposant.es au gouvernement, des militante.s, des journalistes, des avocat.es et des soutiens de la cause kurde. La part de la population carcérale relevant de ces catégories est estimée à plus de 10 %. La communication avec les personnes détenues et l’accès à l’information se fait de plus en plus difficile à mesure que l’administration pénitentiaire s’opacifie. Les organisations de la société civile questionnent l’indépendance du Mécanisme national de prévention (Institution pour les droits humains et l’égalité de Türkiye). Celui-ci ne bénéficie pas de l’indépendance fonctionnelle et économique exigée par le Protocole facultatif contre la torture des Nations unies (OPCAT).

Les cas de torture et mauvais traitements sont largement documentés par les mécanismes de contrôle, la société civile, les médias et diverses institutions et organisations internationales. Ces pratiques sont systémiques et courantes. Différentes méthodes, physiques et psychologiques, sont employées.

Les droits fondamentaux légalement définis ne sont pas respectés. Ils sont souvent considérés comme des privilèges et arbitrairement révoqués lorsque les personnes détenues refusent de se soumettre. L’accès à un.e avocat.e, la confidentialité et le droit de faire appel font l’objet d’obstructions de la part des autorités. Des sanctions arbitraires sont régulièrement appliquées. Les personnes détenues portant plaintes contre ces abus peuvent subir des représailles.

Les conditions matérielles et d’hygiène sont, dans plusieurs établissements, insatisfaisantes. Les problèmes relevés comprennent l’aération des locaux, la lumière naturelle, le contrôle de la température, l’accès à l’eau potable et la qualité de la nourriture. Certains établissements sont infestés de rongeurs et d’insectes.

Les personnes détenues sont soumises à des plafonds de dépenses hebdomadaires sans rapport avec le coût réel de leurs besoins fondamentaux. Elles doivent payer les fournitures d’hygiène, les produits d’entretien, l’électricité (à l’exception de l’éclairage) et la nourriture supplémentaire quand les portions servies lors des repas s’avèrent insuffisantes. Les personnes indigentes ne reçoivent aucune aide financière.

L’accès aux soins médicaux est inégal et reste, dans de nombreux établissements, très réduit. Les organisations de la société civile font état de graves pénuries de personnel, de temps d’attente prolongés, d’accès limité aux traitements et de soins de santé somatique et psychique insatisfaisants. Certaines visites médicales ne durent qu’une minute.

L’accès à l’information au sein des établissements pénitentiaires est étroitement contrôlé. Toutes les sources écrites (livres, journaux, magazines) et diffusions (radio, télévision) sont soumises à une autorisation préalable. Les sources d’information critiquant le gouvernement sont inaccessibles. Les autorités lisent l’intégralité des courriers et écoutent tous les appels téléphoniques. Ces formes de communication peuvent être, de même que les visites, arbitrairement réduites.

Certaines catégories de population sont, dans les prisons turques, particulièrement discriminées. Les droits des femmes sont encore plus réduits que ceux des hommes : moins d’activités, pas de visites conjugales, accès insuffisant aux soins spécifiques. De nombreuses personnes LGBTQI+ sont victimes de mauvais traitements de la part des autres personnes détenues et des membres du personnel. Elles sont souvent isolées du reste de la population carcérale dans des quartiers ou des cellules spécifiques. Les personnes âgées ou en situation de handicap non autonomes ne reçoivent pas, la plupart du temps, l’aide dont elles ont besoin. Les Kurdes et les Roms font l’objet de discriminations particulières à l’extérieur. Ces discriminations sont reproduites dans le traitement qui leur est infligé en prison.

Les conditions de détention des personnes condamnées à la perpétuité aggravée sont extrêmement dures. Elles sont socialement isolées, n’ont pas le droit de travailler et voient leur accès aux activités et leurs possibilités de communication avec l’extérieur réduits. Certains considèrent leur peine comme une forme de torture perpétuelle.


– Cette fiche-pays a été rédigée en partenariat avec l’Association de la société civile dans le système pénal (Ceza İnfaz Sisteminde Sivil Toplum Derneği, CİSST), avec le soutien de Freedom Now et de l’Agence française de développement.


Contributions

Population du pays

84 979 913

i
2022
/ Banque mondiale(en anglais)

Nature du régime

République présidentielle

Indice de développement humain

0,838

(48/191)

i

Taux d'homicide (pour 100 000 habitant.es)

2,67

i
2022