Le système pénitentiaire relève de deux administrations : le Secrétariat général des institutions pénitentiaires (SGIP) pour toutes les communautés autonomes d’Espagne, à l’exception de la Catalogne (où il est placé sous la supervision du ministère de l’Intérieur) et la Direction générale des services pénitentiaires (DGSP) pour la Catalogne (placée sous la tutelle du département de Justice).
Une commission mixte permet la coordination des deux administrations. Les conditions de détention varient selon l’autorité (SGIP ou DGSP) à laquelle l’établissement est soumis, l’ancienneté du bâtiment et le régime de détention. Le régime de détention applicable relève d’un “système de grades” (grado) : il comprend premier grade (régime fermé de haute sécurité), deuxième grade (régime fermé ordinaire) et troisième grade (régime de semi-liberté).
Le ministère en charge des soins en prison pour la Catalogne et le Pays basque est le ministère de la Santé. Pour les autres communautés autonomes, c’est le ministère de l’Intérieur. L’accès aux soins est gratuit et tous les établissements disposent d’une unité de soins. L’équipe médicale est formée d’au moins un médecin généraliste et de deux infirmiers. Un psychiatre, un dentiste et, parfois, un pharmacien interviennent régulièrement. La présence d’autres spécialistes est rare. Le personnel médical est, selon le MNP, en sous-effectif.

Le gouvernement renforce, à partir de mars 2020, les mesures préventives afin d’éviter la propagation du virus dans les établissements. L’administration pénitentiaire est déjà équipée d’environ 100 000 masques chirurgicaux, datant d’épidémies précédentes. Le ministère de la Santé fournit 40 000 masques supplémentaires. Les autorités pénitentiaires isolent les personnes détenues contaminées afin d’éviter la propagation du virus. Vingt personnes détenues à la prison d’Alicante sont placées à l’isolement après qu’une personne a développé des symptômes de la Covid-19.
Le département de la Justice de Catalogne annonce la création d’un hôpital de campagne au sein de la prison des Quatre Camins pour prendre en charge les prisonniers malades. Cette décision fait suite à la confirmation de 22 nouveaux cas dans l’établissement. On dénombre, le 13 avril, 58 cas parmi les personnes détenues dans les établissements catalans. Le nombre de membres du personnel contaminés s’élève à 46. Certains affirment qu’il est en réalité plus élevé, puisque les tests sont en nombre insuffisant. L’administration pénitentiaire de Catalogne décide, en juin 2020, de retirer les distributeurs de gel hydroalcoolique. Des personnes détenues en auraient utilisé, selon les autorités, pour préparer des mélanges alcoolisés.

Le protocole de quarantaine peut changer d’un établissement à l’autre : sept jours pour certains, dix ou quatorze pour d’autres. Les personnes détenues identifiées comme cas contact sont isolées pendant cinq à sept jours.

L’OSPDH dénonce la situation dans la prison des Quatre Camins au médiateur catalan (Sindic de Greuges), situation portée à leur connaissance par les familles des prisonniers en avril 2020. La zone d’isolement est installée dans une unité en rénovation (MR-1). Les prisonniers à l’isolement ne peuvent pas recharger leur crédit téléphonique ou cantiner de la nourriture. Les douches, les toilettes et la lumière ne fonctionnent pas bien. Ils manquent de meubles, notamment de matelas et de chaises. L’aile n’est pas organisée, selon les plaintes, comme un lieu de vie. Les personnes isolées dans l’unité MR-1 ne peuvent pas garder leurs effets personnels. Elles ne peuvent donc pas se changer. Elles n’ont, selon les familles, pratiquement pas de temps à l’air libre, dans la cour, ou, occasionnellement, pendant une heure seulement. Suite à ces plaintes, l’administration pénitentiaire adapte et réarrange la zone suite à ces plaintes, selon l’OSPDH.

La prison d’Estremera annonce, en mars 2020, le décès d’un premier prisonnier et la contamination de 38 membres du personnel. Deux autres prisonniers sont contaminés. Ils sont hospitalisés. Au total, 125 prisonniers et 225 membres du personnel sont placés sous surveillance médicale ou en quarantaine.
Les autorités annoncent, en avril 2020, que 13 prisonniers et 134 membres du personnel ont été testés positifs à la Covid-19. Les établissements les plus affectés sont les prisons de Picassent, Brieva, Soria and Ségovie. Le ministre de la Justice annonce, à la fin du mois, que “le taux d’incidence de la COVID-19 et 4 fois inférieur en prison par rapport à la population générale”.
Le nombre de prisonniers contaminés augmente. Il est, au 22 juillet 2020, de 85. Deux cent soixantedixhuit membres du personnel ont également contracté la Covid-19. Le directeur adjoint des services de santé en milieu pénitentiaire s’annonce satisfait de la rapide mise en œuvre de mesures préventives depuis le début de la pandémie. Ces mesures contribuent, d’après les autorités, à limiter la propagation du virus. Le nombre de contaminations et de décès est ainsi inférieur à la moyenne nationale dans la population générale.

L’Espagne compte parmi les 20 pays D’Europe ayant utilisé la libération conditionnelle comme mesure visant à limiter la propagation du coronavirus en prison. Quatre mille trois cents prisonniers sont, entre mars et juin 2020, libérés (7,4 % de la population carcérale).

L’ensemble du travail et des activités impliquant la participation d’intervenants extérieurs est, à partir de mars 2020, suspendu. Onze établissements ont, fin mai, repris les activités professionnelles compatibles avec les mesures sanitaires. La situation dans les ateliers varie entre la Catalogne et les autres généralités. Un grand nombre d’ateliers sont, en Catalogne, restés ouverts malgré le manque d’EPI. Seuls quelques ateliers continuent, dans le reste du pays, à fonctionner au cours de la première vague. L’OSPDH critique le manque de solutions alternatives pour compenser la suspension des activités. Celles-ci sont un élément essentiel des programmes de réinsertion des prisonniers.

Toutes les visites sont, au cours de la première vague de la pandémie, suspendues entre le 15 mars et le 14 mai 2020, après la déclaration de l’état d’urgence. Des mesures compensatoires sont mises en place. Le nombre d’appels autorisés est augmenté (de 10 à 15 par semaine). Des appels gratuits sont proposés aux prisonniers confrontés à des difficultés financières. L’administration pénitentiaire annonce, en mars 2020, la distribution de 200 téléphones portables en prison, pour faciliter les appels entre les prisonniers et leurs proches. Certains établissements, par exemple les prisons de Teixeiro, Bonxe and Monterroso, organisent des appels de 10 minutes chacun.

La plupart des prisonniers au troisième grade (régime ouvert) sont autorisés, durant l’état d’urgence, à rentrer chez eux.

Les visites sans moyens de séparation sont, en Catalogne, à nouveau suspendues en juillet 2020. Elles sont, par la suite, elles ont lieu, par la suite, de part et d’autre d’un écran de Plexiglas. Toutes les visites sont, dans certains établissements, comme la prison de Ponent, à Lleide, suspendues. Les colis envoyés aux prisonniers sont mis en quarantaine pendant 72 h avant de leur être remis. Un service de visioconférence est mis en place pour compenser l’absence de communication entre les prisonniers et leurs proches.

Les directives des autorités sanitaires sont, en octobre 2020, au cours de la seconde vague, adaptées en fonction de la situation sur le terrain. Les prisonniers sont, par exemple, autorisés à recevoir des visites si leur quartier n’est pas soumis à des mesures de confinement. Les services de visioconférence restent disponibles. L’OSPDH observe que, dans la pratique, les prisonniers au premier grade ont un accès aux visioconférences moindre que les prisonniers au deuxième grade.

Différents établissements font état, en mars 2020, d’une montée des tensions après que de nombreux prisonniers ont montré des symptômes de manque. Les mesures de restriction compliquent l’accès des prisonniers aux drogues. Plusieurs mutineries ont lieu dans la communauté de Valence. Les prisonniers protestent contre la suspension des visites. Une mutinerie est également reportée, en mai 2020, à la prison de Cordoue. Les prisonniers inondent leur cellule d’eau savonneuse et barricadent les portes à l’aide de matelas. Un groupe de prisonniers lance à des surveillants un seau d’eau mélangée à du détergent. D’autres prisonniers menacent des membres du personnel avec des éclats de verre. Les autorités indiquent que 14 mutineries ont été enregistrées entre le 14 mars et le 1er mai 2020. Les mouvements de protestation sont, pour l’essentiel, des réactions à la suite de décès de codétenus ou face au manque d’EPI et d’informations sur la crise sanitaire.

Organisations de la société civile¶

L’association andalouse pour les droits humains (Human Rights Association of Andalucía, ADPHA) exprime son inquiétude, au début de la première vague, auprès du ministère de l’Intérieur et de l’administration pénitentiaire. Elle appelle les autorités à “prendre des mesures urgentes pour, d’une part, prévenir la propagation du coronavirus au sein des établissements pénitentiaires et, d’autre part, garantir les droits fondamentaux des personnes privées de liberté”. L’ADPHA encourage également les autorités à envisage l’utilisation de mesures alternatives à la privation de liberté pour les malades et les personnes âgées, conformément à la législation pénale espagnole. Elle appelle au recrutement de personnel médical dans les établissements pénitentiaires et recommande l’organisation des mesures d’isolation dans les établissements médicaux, et non en cellule. Elle demande enfin aux autorités de rendre la visioconférence accessible pour maintenir les liens des prisonniers avec leurs proches.
Plusieurs avocats appellent les autorités de la prison de Palma de Majorque, en avril 2020, à proposer des régimes spécifiques pour les prisonniers les plus vulnérables, à anticiper la libération de certains prisonniers, à cesser d’emprisonner les ressortissants étrangers pour séjour illégal et à augmenter le nombre de tests Covid-19.

Syndicats des personnels pénitentiaires¶

Les syndicats des personnels pénitentiaires sont préoccupés par la gestion de la pandémie par les autorités. L’association de personnels pénitentiaires Tu abandono me puede matar exprime, en juillet 2020, ses préoccupations : la levée des mesures de prévention pourrait entraîner la propagation rapide du virus dans les établissements pénitentiaires. Prisonniers et personnels seraient mis en danger. Le syndicat critique la décision, à la prison d’Alicante, de transférer les prisonnières et leurs enfants vers l’unité mère-enfant, située à proximité d’un lieu d’isolement de personnes symptomatiques de la Covid-19. Il demande aux autorités la mise en œuvre de mesures de protection des prisonniers, des mineurs et des personnels.
Le syndicat des personnels pénitentiaires Agrupacion de los cuerpos de la administracion de instituciones penitenciarias (ACAIP), l’un des plus influents du pays, critique ensuite le manque d’initiative de l’administration pénitentiaire quant aux mesures de prévention. Il dénonce le manque d’EPI pour les personnels de santé et les prisonniers. L’ACAIP signale que les mesures de sécurité ont été trop rapidement assouplies et craint une réapparition du virus en prison.
La section de Cordoue du Central Sindical Independiente y de Funcionarios (CSIP) presse l’administration, en août 2020, de réunir le comité de sécurité et de santé pour mettre en place des stratégies efficaces face à la crise. Le syndicat craint, suite à la hausse des contaminations en juillet, une explosion des cas chez les prisonniers et les personnels pénitentiaires. Il demande la suspension des visites familiales et conjugales. Seules les visites de part et d’autre d’un dispositif de séparation (locutorio) devraient, pour le syndicat, être autorisées. Le CSIP demande également que soient fournis au personnel davantage d’équipements de protection (masques, gants, savon, gel hydroalcoolique) et de tests.