FLM. La presse internationale met souvent en avant un héritage d’Ebola, qui aurait positivement conditionné la réponse apportée sur le continent africain à l’épidémie. En réalité, cet héritage est ambigu. Tout d’abord l’expérience de l’épidémie concerne principalement la République Démocratique du Congo, la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Ce n’est donc pas tout le continent. Aujourd’hui et dans ces pays, les dispositifs mis en place contre Ebola se reproduisent mais peuvent s’avérer néfastes à une bonne riposte. Des laboratoires de diagnostic existent, même s’ils restent insuffisants. Dans d’autres domaines, la reproduction de mesures directement inspirées par la lutte contre Ebola peut s’avérer négative : le virus d’Ebola tue beaucoup mais contamine peu alors que le virus du SARS-CoV-2 se répand facilement mais tue peu.
Ensuite, associer Ebola et Covid-19 en reprenant des mesures et du vocabulaire contribue à créer de la confusion et de la méfiance parmi la population. Cela réactive les souvenirs traumatisants de la première épidémie et tout ce qui y est associé : violences, rumeurs, angoisses.
Pour ce qui est de la prison, malgré de nombreuses alertes et des libérations de détenus afin de décongestionner les établissements et éviter la contamination dans plusieurs pays du continent, les résultats sont assez mitigés et le développement de l’épidémie en détention n’a pas été évité.
Lors d’un travail en prison au Burkina Faso, j’avais observé l’importance d’acteurs micro-locaux : le guérisseur du coin, l’imam ou le curé de la ville la plus proche… Ils jouent depuis toujours un rôle important en prison, ne serait-ce qu’en terme d’alimentation par exemple. En Guinée, l’agence belge de développement Enabel a financé Fraternité médicale Guinée et l’Agence française de développement (AFD) a financé Terres des Hommes pour faire de prévention en prison. L’action se déployait à la maison centrale de Conakry et dans les neuf autres prisons principales du pays. Fraternité médicale Guinée s’occupe depuis longtemps de prévention VIH auprès des populations vulnérables. Par ce biais, elles connaissent bien le monde de la détention et se sont donc placées sur la question de la prévention du Covid-19 (fourniture de masques, de kits d’hygiène). Ces ONG complètent l’action menée par l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS) qui a mis en place un centre de traitement des épidémies dans l’enceinte de la prison. Il s’agit de tentes climatisées pour accueillir les détenus testés positifs et les prendre en charge.
Si l’on observe une réponse sanitaire au Covid-19 en détention dont on doit se réjouir, force est cependant de constater que celle-ci n’a pas été anticipée, qu’elle accuse encore un retard (tous les détenus ne sont pas encore testés) et que les questions structurelles qui permettent de comprendre la contamination rapide de la population des détenus (comme la surpopulation et la durée de la détention provisoire) ne sont pas adressées.
Après, les pratiques sont différentes d’un pays à l’autre.
Au Cameroun, ce sont 1 300 détenus qui ont été libérés. Le ministère de la Santé a indiqué sur son site que ceux-ci avaient été dépistés à leur sortie et que 70% d’entre eux étaient positifs. Cette information est restée en ligne deux ou trois heures avant d’être enlevée et on n’en retrouve plus aucune trace. Malgré cela, on a le sentiment que le Cameroun a pris des mesures, notamment en libérant des détenus. On note la différence entre ce que fait l’État, et ce sur quoi il veut communiquer.
Ce que l’on constate, c’est qu’à l’échelle du continent, certains pays ont libéré des détenus pour faire baisser la surpopulation. Ces pratiques ne sont toutefois pas propres à des moments épidémiques. En Afrique, les grâces présidentielles font partie des pratiques courantes de gestion de la surpopulation dans les prisons.