Plus de 35 % des personnes détenues en Angleterre souffrent, en 2016, d’un trouble psychique. Près de 25 % d’entre elles reçoivent des soins. Quatre-vingt suicides sont recensés entre 2019 et 2020.
Les personnes qui souffrent de troubles psychiques sont généralement placées en détention ordinaire. Certains établissements disposent d’unités appelées In-patient health-care unit. Elles sont destinées aux personnes atteintes de troubles psychiques sévères dans l’attente d’un placement en hôpital psychiatrique général. Des transferts pour les détenus qui n’ont pas accès à ce type d’unités dans leur établissement sont possibles mais très rares en pratique. L’unité de la prison de Pentonville compte 22 places.
Certains établissements disposent d’unités dédiées aux personnes qui présentent des troubles sévères de la personnalité appelées Psychologically Informed Planned Environnment (PIPEs). Ces unités sont conçues pour offrir un environnement sécurisé et propice au bien-être des personnes détenues. Elles n’y observent aucun traitement.
Les détenus qui souffrent de troubles psychiques sont parfois placés dans des “unités pour détenus vulnérables”. L’objectif premier est de les protéger de leurs codétenus. Ils sont souvent considérés comme inaptes à travailler et sont exclus des activités. Ils restent généralement dans leur cellule.
Les prisonniers atteints de troubles psychiques sévères peuvent être placés sous surveillance anti-suicide (ACCT). Le CPT observe qu’ils sont régulièrement transférés en cellule d’isolement (segregation unit) dans les prisons de Doncaster, Liverpool et Wormwood Scrubs. Certains y sont placés en attente d’un transfert à l’hôpital psychiatrique général. L’isolement peut durer jusqu’à 23 heures par jour. Aucune activité n’est proposée. Les visites, les appels téléphoniques et les promenades sont autorisées. Les cellules d’isolement sont, dans plusieurs prisons, délabrées et insalubres. Le CPT rapporte, lors d’une visite à la prison de Liverpool, qu’une personne psychotique placée à l’isolement s’est gravement mutilée. Il considère ce placement inapproprié et recommande le transfert en urgence en hôpital psychiatrique.
Accès aux soins¶
Un examen médical est assuré dans les 24 heures suivant l’admission de la personne en détention. L’infirmier en charge de l’examen s’enquiert des antécédents médicaux, traitements, addictions ainsi que de l’état psychique. La grille d’entretien se compose de 120 questions dont environ 35 % sont optionnelles. C’est le cas de celles relatives aux risques suicidaires et d’automutilation. À l’issue de l’entretien, l’infirmier réfère si nécessaire la personne à un médecin pour une seconde visite.
Les demandes de consultation pour des soins psychiques sont nombreuses. La personne détenue qui en fait la demande est d’abord vue par un infirmier. Le manque de personnel de soins a pour conséquence de longs délais d’attente. Un agent pénitentiaire doit systématiquement accompagner le patient à la consultation. Dans certaines prisons, entre 30 et 50 % des personnes détenues ne peuvent se rendre à leur rendez-vous en raison du manque de disponibilité des surveillants.
Les conseils d’administration des prisons alertent quant à la surcharge des unités de soins et du manque de moyens. Les personnes détenues à la prison de Deerbolt attendent jusqu’à 27 semaines pour accéder à une psychothérapie individuelle. Plus de 120 personnes sont orientées, chaque mois, vers le service de soins de la prison de High Down.
Soins dispensés¶
Toute personne détenue qui souffre d’un trouble psychique est tenue de recevoir un plan de traitement individuel. Le recours au traitement médicamenteux est privilégié pour les troubles psychiques sévères. L’offre de thérapie est inégale d’un établissement à l’autre. La majorité des prisons ne dispose pas de moyens suffisants pour assurer des consultations psychologiques. L’offre de thérapie est particulièrement réduite dans les prisons pour femmes.
Les PIPEs proposent des psychothérapies et des thérapies de groupe aux détenus identifiés comme ayant des troubles de la personnalité. Les In-patient health-care unit prodiguent des soins de santé mentale limités.
Les personnes dépendantes aux produits bénéficient d’un suivi particulier. Elles sont examinées dans les cinq jours suivant leur admission en établissement pénitentiaire. La plupart propose des thérapies et des substituts à la nicotine et aux opiacés. La moitié dispose d’unité “sans drogue“ destinée à accueillir ces personnes.
Équipe médicale¶
L’équipe de santé mentale prodigue les soins en ambulatoire. Un psychiatre, parfois à temps plein, des infirmiers psychiatriques et des psychologues la composent. Des travailleurs sociaux et des ergothérapeutes interviennent également. Le personnel de santé mentale de certains établissements n’est pas présent les soirs et les week-ends.
Secret médical¶
Les demandes de consultation se font par écrit ou par oral. Dans quelques prisons, des téléphones dans les cellules permettent de formuler directement la demande. Les personnes détenues à la prison de Doncaster remplissent un formulaire en ligne.
Le CPT observe que dans l’unité de soins de la prison de Liverpool, les examens sont réalisés en présence de surveillants. Il note que les médecins de l’hôpital psychiatrique qui accueille un détenu transféré en état de crise psychique les informent des décisions et prescriptions. Les agents pénitentiaires les transmettent ensuite à l’équipe de soins de la prison lors du retour en détention de la personne. Le CPT note que cette pratique nuit à la confidentialité des consultations.
La médication destinée aux personnes détenues qui souffrent de troubles psychiques est prescrite par un psychiatre ou un médecin généraliste. Dans les établissements de Doncaster et Wormwood Scrubs, les infirmiers distribuent les médicaments dans des couloirs particulièrement passants. Le CPT observe que cette pratique est contraire au respect du secret médical. Elle expose des détenus vulnérables à de potentielles violences de la part des autres personnes détenues.
Mesures d’urgence¶
Les personnes détenues en état de crise psychique doivent, en principe, être transférées en hôpital psychiatrique général. Elles peuvent être placées en cellule d’isolement, dans l’attente d’un transfert vers un hôpital psychiatrique. Près de 8 % des personnes détenues en attente d’un tel transfert sont placées, en 2017, sous surveillance anti-suicide. Elles sont alors transférées en ”cellule de protection”. Quand le transfert ne peut être immédiat, le CPT recommande que la personne détenue soit placée dans l’unité de soins de l’établissement.
Formation des surveillants¶
Une introduction à la santé psychique de quatre heures est inclue, depuis 2016, dans la formation des surveillants pénitentiaires. Ils doivent être en capacité d’identifier la détérioration de la santé psychique d’une personne détenue et d’alerter les personnels de soin compétents. La formation ne concerne que les nouveaux surveillants. Aucune remise à niveau n’est prévue pour ceux déjà en poste. L’organisation de ces formations est laissée à la charge et à la discrétion des chefs d’établissements. Des formations complémentaires de sensibilisation à la santé psychique sont proposées au personnel pénitentiaire. Elles sont généralement annulées en raison du faible taux de participation.
Continuité des soins¶
Une attention particulière est tenue d’être portée, dès le début de la peine, à la réinsertion de la personne. La continuité des soins n’est assurée ni pour les personnes étrangères, ni pour celles condamnées à une courte peine.
Les ”Clinical commissioning groups” (CCG), en charge des services de santé locaux, sont responsables des soins des sortants de prison. Les établissements pénitentiaires, pour faciliter la continuité des soins, utilisent ”SystmOne”. Ce système informatique, utilisés par de nombreux médecins, contient les informations médicales de chaque personne détenue.
Les personnes sortant de prison au pays de Galles ont droit à un réexamen psychiatrique, le ”Mental health measure”. Ils ont, par la suite, accès de droit à des soins de santé mentale. Une personne détenue en Angleterre voit parfois ses soins interrompus lors de son retour au pays de Galles.