“Le public ne comprend pas ce qu’est la détention.” – Wolfgang Jager, psychiatre en prison.
“Qui veut se confronter au crime, au mal au cœur de l’humanité ?” – Daniela Seichter, cheffe d’établissement.
“Personne ne s’intéresse à nous.“ – Martin Gruber, prisonnier.
PARLER à des prisonniers ou des personnels pénitentiaires, c’est, bien souvent, se retrouver confronté à une résignation généralisée : si personne ne s’intéresse au système carcéral, quel besoin de changer ce qui fonctionne si mal depuis des dizaines d’années ? Ce manque d’intérêt résulte, peut-être, d’un manque de connaissances et d’information ; quoi qu’il en soit, nul doute qu’il a pour conséquence des conditions de détention indignes.
Les prisons sont sans doute l’un des milieux les plus oubliés et passés sous silence dans un monde qui multiplie les enquêtes sur toutes sortes de sujets. En Autriche, c’est indubitable ; qui veut documenter la prison se retrouve en butte à bien des obstacles.
Les journalistes qui enquêtent sur le système pénitentiaire ont l’habitude d’essuyer des refus dès qu’il s’agit de rencontrer des personnes incarcérées.
Les autorisations ne sont accordées que si “la visée pédagogique de la peine n’est pas remise en cause par l’entretien ; en règle générale, on considère que ce n’est pas le cas d’une interview“, m’a-t-on expliqué à l’occasion de l’un de ces refus de la part du ministère de la Justice.
Blickpunkte, “points de vue”, était le seul journal, en prison, écrit par des prisonniers. Il a cessé d’exister, sous la contrainte, après une tentative de le diffuser hors des murs. Le ministère de la Justice a, par la suite, publié un décret interdisant aux personnels pénitentiaires d’occuper toute fonction relevant des lois régissant la presse, ce qui empêche l’existence de journaux en prison, puisque les prisonniers peuvent prendre en charge rédaction et mise en page, mais n’ont pas le droit d’être propriétaires ou éditeurs. Ce décret a donc rendu pratiquement impossible l’existence de journaux derrière les barreaux.
Les chercheurs autrichiens, quant à eux, sont mis en difficulté par un fait tout simple : leurs recherches sont bien souvent financées par les institutions mêmes qu’ils sont censés étudier. Il est donc légitime de s’interroger sur leur objectivité ; il arrive que les résultats de leurs études ne soient pas publiés.
Les syndicats de prisonniers se sont vus, à maintes reprises, interdits, invoquant pour argument que les personnes détenues ne sont pas protégées par les droits des travailleurs.
Dans un tel contexte, où le journalisme, la liberté de réunion et la science ne peuvent fonctionner correctement, il n’est pas étonnant que la question carcérale ne trouve qu’un faible écho dans les préoccupations du public.