MM. Le recours à l’isolement est un des enjeux les plus importants au Canada. Il a récemment été aboli au niveau fédéral mais pas provincial. Nous continuons à nous battre pour que cette pratique cesse totalement. Nous avons beau déposer des recours, les tribunaux ne suivent pas : ils ne veulent pas s’ingérer dans la gestion pénitentiaire. Les établissements pénitentiaires sont des milieu clos. L’accès à l’information est difficile.
Au niveau fédéral, nous ne sommes pas considérés comme des avocats mais comme des “assistants”. Lors des audiences devant la commission des libérations conditionnelles, nous sommes, par exemple, au même niveau que le père ou la mère de la personne détenue. Nous n’avons pas plus de droit d’avoir accès au dossier.
Cela fait neuf ans que j’exerce et très peu de choses évoluent en la matière. J’ai créé l’Association des avocats carcéralistes progressistes dont l’un des objectifs est de multiplier les moyens de pression afin d’obtenir davantage de droits. Il n’y a rien qui fonctionne jusqu’à présent, nous avançons à petits pas.
PB. Les personnes détenues dans les établissements provinciaux n’ont droit à bénéficier d’un avocat pour manquement à la discipline que depuis 2017. Avant cette date, elles comparaissaient seules, sans avocat, lors des rapports disciplinaires. Le système correctionnel québécois essaye, aujourd’hui, de contourner la présence des avocats en restreignant ce droit. Les agents ne prononcent plus de rapport disciplinaire qualifié de grave ou modéré, mais seulement de faible. Ainsi, les personnes détenues sont sanctionnées par des amendes et ne peuvent plus avoir recours à un avocat.
MM. La règle, c’est de se taire. Des personnels pénitentiaires m’appellent de façon anonyme, par exemple, pour me confirmer des actes de violences qui ont eu lieu à l’encontre de personnes détenues. Mais tant que l’agent ne veut pas témoigner, je n’ai aucun moyen d’utiliser cette information pour défendre mon client. Il faudrait que davantage de personnes puissent entrer en détention, mais lorsque nous demandons l’autorisation de réaliser une mission d’observation à l’intérieur d’un établissement, on nous répond que c’est le rôle du Protecteur du citoyen. Celui-ci se rend cependant très rarement en prison et est peu accessible aux personnes détenues. Celles qui souhaitent déposer une plainte doivent en effet l’appeler avec le téléphone situé dans la rangée publique (la coursive), devant tout le monde, dont les agents. Il n’y a aucune confidentialité et la seule chose qu’on leur conseille, au bout du fil, c’est de déposer une plainte par écrit. Le Protecteur du citoyen ne peut émettre que des recommandations, rien ne change.