CB. Dans certains pays, l’accès aux prisons n’est pas très difficile, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Les régisseurs font souvent face à une surpopulation carcérale qui n’est pas de leur fait. La surpopulation crée de très mauvaises conditions de détention, ce qui leur complique également la tâche. Il arrive donc qu’ils soient plutôt favorables aux missions venues de l’extérieur. Cela permet de mieux faire connaître leurs besoins et potentiellement de travailler en partenariat pour améliorer les conditions dans leurs prisons.
Il est fréquent que je m’entretienne directement avec les personnels de la prison et avec les personnes détenues, sans surveillance ni entrave. De nombreuses informations me sont ainsi accessibles : effectifs par catégorie et par infraction, taille et état des cellules, nombre de personnes détenues par cellule, budget par prison dédié à la nourriture et la santé, prévalence de pathologies, nombre et types de décès, nombre de personnes en cellule disciplinaire, montant éventuel à payer pour se voir allouer une cellule et obtenir un accès aux services, quantité d’eau et de nourriture disponible par personne, violences, etc. Cela porte à ma connaissance des situations extrêmement problématiques.
On trouve dans certaines prisons des taux de surpopulation de plus de 400%, avec des installations sanitaires très insuffisantes.
Dans l’une des prisons du Sahel où j’ai travaillé, une seule toilette était fonctionnelle pour plus de 230 personnes détenues.
Dans une autre prison, au Tchad, où j’ai mené une étude en 2016, 1 720 personnes étaient détenues dans une prison destinée à en recevoir 400 : des cellules de 12 m² abritaient plus de 70 personnes. En conséquence, les détenus les plus pauvres, dont des enfants, dormaient dans une position appelée “bateau” : chaque personne est assise entre les jambes d’une autre personne, collée contre elle. Les personnes détenues doivent bouger le moins possible au risque de se faire frapper par les autres : si l’un bouge, toute la colonne est réveillée. Si les personnes détenues étaient en mesure de payer et avaient des garants hors de la prison, elles pouvaient avoir accès à des couchages plus confortables.