JGSA. La justice restaurative s’intègre de façon inégale aux différentes formes de justice qui coexistent en Colombie : justice pénale ou ordinaire, justice autochtone, justice des mineurs et justice spécifique au processus de paix.
La justice restaurative a peu de place au sein de la justice ordinaire. Elle est en revanche appliquée systématiquement par la justice autochtone, mais sans que l’on connaisse véritablement ses effets. Dans le cadre de la justice des mineurs, qui est la raison d’être de cette forme de justice, son application est très précaire et, dans la majeure partie des cas, reste au stade de la théorie. Quant à la justice appliquée au processus de paix, les effets restent à observer : la justice restaurative y joue un rôle fondamental, mais le processus est devenu éminemment politique.
Il faut également garder à l’esprit que la société colombienne est très attachée à la punition, à l’image des peines privatives de liberté ; c’est ce que l’on appelle, en criminologie, une “société punitive”. La justice restaurative est donc perçue comme une justice laxiste, une culture de l’impunité, ce qui complique encore sa mise en œuvre.
Parmi les quatre types de justice que je viens d’évoquer, c’est à la justice ordinaire que la justice restaurative manque le plus, c’est-à-dire à la justice applicable aux adultes qui ne sont ni autochtones, ni concernés directement par le processus de paix… à savoir, selon les services du Procureur général de la nation (Fiscalía General de la Nación), 70 % des justiciables du pays.
On s’appuie, pour faire face à cette demande extrêmement importante, sur un corpus juridique extrêmement limité : seuls dix articles du Code de procédure pénale ouvrent une possibilité d’application de la justice restaurative avec les victimes de crimes de droit commun. Pour autant, le gouvernement a mis en place différentes institutions chargées d’appliquer, au moins en partie, la justice restaurative : le ministère de la Justice compte ainsi un vice-ministre de la Justice en charge des politiques pénales et de la justice restaurative et un vice-ministre en charge de l’accès à la justice, lequel a émis une circulaire qui recommande la création des services de justice restaurative dans toutes les Maisons de justice (Casas de Justicia) et dans tous les Centres de citoyenneté (Centros de Convivencia Ciudadana).
De plus, l’administration pénitentiaire (Instituto Nacional Penitenciario y Carcelario) a émis deux directives qui permettent la mise en œuvre de mesures de justice restaurative au sein des prisons colombiennes. Les services de l’Inspectrice générale de la Nation (Procuraduría General de la Nación), ont créé un programme de justice restaurative et inspiré le Pacte pour une plus grande humanité des systèmes privatifs de liberté de Colombie (Pacto por la Humanización de los Sistemas de Privación de la Libertad en Colombia), signé par une douzaine d’institutions nationales et internationales, qui s’appuie sur la justice restaurative.
Le pacte précédent avait permis, entre 2017 et 2018, d’adopter de bonnes pratiques de justice restaurative dans les lieux de privation de liberté de Colombie.
La justice restaurative en Colombie pour les justiciables de droit commun ─ c’est-à-dire qui ne sont pas intégrés à un quelconque processus de paix ─ utilise l’ensemble du corpus juridique, de la Constitution à la doctrine en passant par la législation pénale, et diverses directives qui appuient cette vision d’une justice différente. Une meilleure pédagogie reste cependant nécessaire pour lancer de nouveaux programmes et assurer la continuité des programmes-pilote ayant montré leur viabilité ; tout cela dépend de la volonté politique des instances responsables.