Les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort sont particulièrement difficiles sur un certain nombre de dimensions quotidiennes de cette forme particulière de privation de la liberté. Certaines dimensions sont insuffisamment couvertes par le droit international et les Règles de Mandela.
L’accès à l’éducation et aux activités manuelles¶
Cet accès est loin d’être garanti ou proposé aux condamnés à mort dans bon nombre de systèmes carcéraux. À titre d’exemple, au Malawi les femmes condamnées à mort peuvent participer aux activités de jardinage. Au Burkina Faso, les femmes détenues, y compris les condamnées à mort, ont la possibilité de lire ce qu’elles veulent, ce qui n’est pas le cas de la majorité des systèmes carcéraux dans le monde. Les règles internationales ne comportent aucune disposition spécifique sur ce thème concernant les condamnés à mort.
Le libre exercice de la religion et du culte¶
Si l’accès au libre exercice de la religion et du culte est garanti dans les règles internationales (Règles de Mandela 65 et 66), les autorités pénitentiaires doivent garantir à tout détenu condamné à mort l’accès à un aumônier sans distinction de sexe, d’âge ou d’appartenance religieuse. Les femmes condamnées à mort doivent avoir accès à un aumônier féminin si elles en formulent la demande. Cette dimension genrée est absente des Règles de Mandela et des Règles des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (dites Règles de Bangkok, 2011).
La protection des condamné(e)s à mort contre la curiosité publique et le respect de la vie privée¶
Cette protection des personnes passibles de la peine de mort et des personnes condamnées à mort contre la curiosité publique ne concernent uniquement, en droit international, que certains stades des procédures judiciaires et de la détention tels que le transfèrement[^note5] ou la question de la protection contre la curiosité publique lors des exécutions publiques, interdites en droit international des droits de l’Homme[^note6]. Des dispositions juridiques contenues dans les Conventions de Genève de 1949 pourrait servir à nourrir la réflexion pour renforcer la protection des condamnés à mort contre la curiosité publique à tous les stades de la procédure[^note7].
La question des dépouilles mortelles et des effets personnels des condamnés à mort¶
Si la règle 72 consacre le principe du respect et de la dignité de la dépouille d’une personne décédée en détention, elle n’aborde pas la question de l’imputation des coûts financiers liés à l’exécution. Les coûts liés à l’exécution doivent être à la charge intégrale de l’autorité pénitentiaire, et non de la famille[^note8]. Le corps des condamnés à mort ne devraient pas faire l’objet de trafic d’organes, à l’instar du contexte chinois[^note9]. Les Règles de Mandela ne font mention de la gestion des effets personnels des détenus que dans le cas d’une libération (règle 67). Ainsi, ces règles restent complètement muettes sur la question du devenir des effets personnels des condamnés à mort, et l’obligation juridique positive de les rendre à la famille ou aux ayant-droits.
Sensibilisation du public et échanges d’information¶
Cette question renvoie au rôle de sensibilisation sur ce que sont les conditions de détention des condamnés à mort et à la sollicitation d’une variété d’acteurs (organes de contrôle du pouvoir tels que le Parlement ou les institutions nationales des droits de l’Homme, centres académiques et de recherche, société civile) afin de développer les recherches sur ces aspects, dans l’esprit de la règle 70 des Règles de Bangkok de 2011 sur les femmes privées de liberté[^note10]. L’ajout d’une règle de ce type dans les Règles de Mandela pourrait ainsi permettre de reconnaître le caractère limité de données fiables et de la sensibilisation de la population à la question des conditions de détention et de traitement des condamnés à mort dans le monde, l’impact de l’incarcération sur leurs familles, ainsi que l’importance de l’échange d’informations sur les résultats de la recherche.
[^note5]:Règle 63 des Règles de Mandela de 2015
[^note6]:Résolution 2005/59 de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, art. 7(i), appelant les États rétentionnistes à s’assurer, que, lorsque la peine capitale est exécutée, elle doit l’être avec le minimum possible de souffrance. Elle ne doit pas être exécutée en public ou sous une autre forme dégradante. Les États rétentionnistes doivent s’assurer de mettre fin immédiatement à l’utilisation de méthodes d’exécution particulièrement cruelle et inhumaine, à l’instar de la lapidation. Lire texte intégral de la résolution
[^note7]:La question de la protection contre la curiosité publique est en effet traitée dans la Troisième Convention de Genève de 1949, dans son article 13.2 qui stipule que “les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique”. Dans l’esprit et la lettre des Conventions de Genève, la protection du prisonnier de guerre s’étend à des valeurs d’ordre moral, telles que l’indépendance morale du prisonnier (protection contre l’intimidation) et son honneur (protection contre les insultes et la curiosité publique).
[^note8]:En Chine, la famille du condamné doit payer pour la balle utilisée lors de l’exécution du condamné à mort.
[^note9]:Rapport intitulé Respect for Minimum Standards ? Interim Review of the Death Penalty in China, février 2019, par The Rights Practice,
[^note10]:Règle 70 des Règles de Bangkok de 2011 concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes.
Règle 70 :
- “1. Les médias et le public doivent être informés des raisons qui amènent les femmes à avoir des démêlés avec le système de justice pénale ainsi que des moyens les plus efficaces de réagir pour permettre la réinsertion sociale des femmes, en tenant compte de l’intérêt supérieur de leurs enfants.
-
2. La publication et la diffusion de travaux de recherche et d’exemples de bonnes pratiques doivent faire partie intégrante des politiques visant à améliorer les choses et à faire en sorte que les mesures de justice pénale concernant les délinquantes soient équitables pour ces femmes et leurs enfants (…).“