ND. Il comporte trois volets.
- Le premier est un volet recherche.
Nous travaillons avec les associations membres de la Coalition mondiale et la clinique juridique de la Faculté de droit de Grenoble. Le but est de faire remonter les informations relatives aux conditions de détention dans un certain nombre de pays que nous avons choisis et identifiés comme prioritaires : les Etats-Unis, le Pakistan, le Bangladesh, et la Mauritanie. D’autres pays clefs sont également à l’étude.
C’est important de savoir pourquoi nous les avons choisis. Sandrine Ageorges-Skinner et moi-même travaillons en binôme sur ce projet, notamment pour les Etats-Unis. Cela nous paraît extrêmement important : de nombreux États condamnent encore à mort et exécutent.
Le Pakistan et le Bangladesh comptent quasiment la moitié du nombre connu des condamnés à mort dans le monde : entre 7 000 et 8 000 au Pakistan, 1 500 au Bangladesh.
Les deux pays réunis prononcent plus de 200 condamnations à mort par an! Les conditions de détention sont très dures, au Pakistan en particulier, pour les condamnés à mort. Plus d’une vingtaine de personnes détenues condamnées à mort sont mortes depuis janvier 2018, selon les statistiques d’un partenaire local. Ces décès sont liés à des questions d’hygiène, mais aussi à des suicides.
En Afrique, nous prolongeons un projet mené sur la Mauritanie en abordant les conditions de vie des condamnés à mort. Le pays en compte plus de 90 actuellement, selon les autorités.
Ces constations de terrains sont assorties, toujours au sein de ce volet recherche, d’une initiative qui vise à analyser trois textes importants qui régissent les conditions de détention et de traitement des personnes privées de liberté au niveau international : les Règles de Mandela, les Règles de Beijing de 1985 sur les mineurs détenus, et les Règles de Bangkok (2010-2011) sur les femmes privées de liberté. Nous allons analyser ces trois références internationales, voir les ajouts qui ont été faits concernant les mineurs et les femmes par rapport aux Règles Mandela. Une fois les besoins identifiés, il s’agit de rédiger de nouvelles règles, qui pourraient être une annexe aux Règles Mandela. Et ce sur un horizon de cinq ans.
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Le deuxième volet est un gros travail de plaidoyer.
Nous souhaitons que les Nations unies et d’autres partenaires internationaux et régionaux puissent porter ce projet. Pour cela, nous aurons besoin du soutien des ambassades. Nous serons présents, en février 2019, au Congrès mondial contre la peine de mort à Bruxelles.
Planète-Réfugiés souhaite organiser en même temps un événement : un atelier de travail restreint. Nous devons choisir en amont un certain nombre d’acteurs de la société civile, des politiques, des juristes, des journalistes, des magistrats et des avocats, afin de travailler ensemble sur les trois ensembles de règles évoqués plus haut (Mandela, Bangkok et Beijing). Il s’agit de lire ces règles, les assimiler, afin de proposer des amendements pour commencer à travailler sur le nouveau texte. Cela serait également une occasion de consolider un partenariat en développement entre Planète réfugiés–Droits de l’Homme et Prison Insider.
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Le troisième volet est celui de la communication.
Nous y sommes à l’instant, en répondant à vos questions, puisque l’objectif est aussi de faire connaître cette initiative. Faire comprendre pourquoi il est important de travailler sur les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort. Ce sont un peu les oubliés des conditions de détention. Ils n’ont pas une peine de dix ans ou quinze ans. Ils ne savent absolument pas ce qu’ils vont devenir. Leur avenir est très incertain. Ce qui a des conséquences bien sûr sur le plan médical et psychologique. Leur pire ennemi, c’est le temps et le manque de perspective.
— Le mot de la fin¶
D’autres points plus juridiques vont être développés avec la faculté de droit de Grenoble. Nous nous penchons sur la médiation pénale dans le cadre des condamnations à mort. Il s’agit de se demander dans quelle mesure elle est ou non utilisée. Dans certains systèmes juridiques, et notamment en droit musulman, les familles des victimes ont un rôle à jouer dans le prononcé d’une condamnation à mort, d’une longue peine ou d’une peine à perpétuité. Le droit musulman ne permet pas la commutation de la peine prononcée sans l’aval de la famille de la victime, qui a un rôle très important. La médiation pénale est importante, il convient de la renforcer.
Dernier point, avec un objectif encore plus juridique… c’est une question que je me pose personnellement et que je souhaiterais creuser : est-ce que l’absence de juges d’application des peines dans certains systèmes juridiques a une incidence sur la question de la condamnation et de l’exécution de la peine de mort ? Je n’ai pas, aujourd’hui, de réponse. Je sais que dans certains pays où la peine de mort est encore appliquée, il n’y a pas de juge d’application des peines. C’est quelque chose qui mériterait d’être approfondi. Le rôle du magistrat n’a pas été suffisamment creusé. Ce maillon de la chaîne pénale doit aussi être sensibilisé au fait que la décision de condamner à mort n’est pas une décision de justice anodine.
On donne la mort à quelqu’un.
Il faut donc que l’intime conviction du juge soit entière et que les garanties fondamentales, y compris la question de la prise en compte des aveux obtenus sous la torture soient prises avec beaucoup plus de sérieux. Ce qui n’est pas forcément le cas dans les pays dans lesquels nous avons choisi de travailler.
Planète réfugiés – Droits de l’Homme ainsi que les relais que nous avons dans un certain nombre de pays (Mauritanie, Bangladesh, Comores, Pakistan), visent l’abolition universelle de la peine de mort. Avant d’y arriver, nous devons travailler sur des étapes intermédiaires. C’est cette question de l’amélioration et l’humanisation des conditions de détention des condamnés à mort que nous pouvons mener en parallèle de l’abolition de la peine de mort. En terme de dialogue, c’est important. Nous verrons ceci à Bruxelles en février 2019, lors du Congrès mondial contre la peine de mort. Les États sont plus à même d’entendre la nécessité d’humaniser les conditions de détention des condamnés à mort, plutôt que de parler de façon frontale d’abolition universelle.