Le ramadan porte un message de tolérance et de partage. Il exige une certaine éthique et une hygiène de vie particulière. C’est l’école de l’endurance, du respect, avec un rappel plus appuyé à la non-violence. Il s’agit d’un mois d’adoration : on se détache du matériel et on s’élève pour mieux se rapprocher de Dieu. Il s’agit donc nécessairement d’une période plus intense pour les aumôniers. Les personnes détenues sont plus demandeuses. C’est, pour elles, un nouvel élan et une occasion de se repentir.
Chaque vendredi, nous organisons habituellement des temps de prières et de discussions spirituelles et sociales dans la salle de culte polyvalente. C’est aussi l’occasion pour les détenus qui le souhaitent de recueillir notre avis sur leur pratique religieuse et méditative. Malheureusement, cette année encore, la Covid-19 rend presque impossible les rencontres de groupe. Nous avons ainsi dû suspendre la plupart des cultes et la rupture du jeûne se fait individuellement. Seules la fête de fin du ramadan et du sacrifice se font, dans la mesure du possible, en groupe. La plupart des établissements maintiennent néanmoins les visites individuelles et la livraison de colis pour le ramadan.
Chaque détenu qui souhaite faire le ramadan se déclare jeûneur auprès de l’administration pénitentiaire. Certains jeûneurs choisissent de ne pas se déclarer par peur d’être, selon eux, ensuite “fichés S”. C’est une affabulation, il n’y a absolument rien de stigmatisant.
La liste des jeûneurs permet simplement à l’administration pénitentiaire et aux associations de mieux s’organiser pour les repas. Les repas sont, en effet, aménagés pour les jeûneurs, en fonction de l’heure de l’iftar [repas de rupture du jeûne] et du sahour [repas pris avant l’aube]. En revanche, c’est aux détenus que revient la responsabilité de se réveiller le matin. Le personnel n’est pas tenu de les réveiller pour jeûner, neutralité oblige.
Certains détenus considèrent que le menu offert pendant ce mois sacré est insuffisant, notamment s’agissant de la viande proposée. C’est un point qui pourrait effectivement être amélioré. En tant qu’aumônier, c’est aussi notre rôle de voir avec l’administration pénitentiaire ce qui peut être fait pour que les repas soient à la hauteur des jeûneurs, en qualité comme en quantité.
Le nombre de jeûneurs nous est également transmis pour que nous puissions, à l’aide des associations et des mosquées, préparer des colis. Nous amenons des dattes, de la soupe en sachet et d’autres aliments pasteurisés. Tous les détenus qui le souhaitent peuvent recevoir ce colis, il n’est pas réservé qu’aux musulmans. Les familles peuvent aussi apporter des colis au parloir.
Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait une stigmatisation particulière à l’encontre des détenus qui pratiquent le jeûne du mois de ramadan. En revanche, il y a parfois des malentendus sur ce que sont l’islam et certaines pratiques religieuses, dont le ramadan. Ce n’est pas toujours volontaire, simplement une méconnaissance de la pratique religieuse. Par exemple, certains détenus profitent de la période du ramadan pour revenir à Dieu et se repentir. Ils intensifient le temps de prière, lisent parfois certains versets à haute voix ou se laissent pousser la barbe. Aux yeux de certains surveillants, ce changement brutal peut être interprété comme une forme de radicalisation. Il faut alors rappeler qu’il s’agit simplement d’une période plus intense de prière et de lien avec la pratique de la religion. En parallèle, bien sûr, certains détenus jouent la provocation. À nous de leur redire que s’ils sont évidemment libres de pratiquer leur religion, cela doit se faire dans le respect de leurs codétenus et du bien vivre ensemble.