Marion Moulin. Être pauvre en prison, c’est en premier lieu avoir des ressources insuffisantes pour faire face au coût de la vie en détention (estimé à 200€ par mois) mais également aux dépenses extérieures qui continuent de courir. Environ 16% des personnes détenues interrogées n’ont aucune ressource et 31% perçoivent l’aide “d’indigence“ de 20 euros versée par l’administration pénitentiaire aux personnes sans ressources. Deux tiers d’entre eux indiquent par ailleurs se trouver en situation d’endettement. La pauvreté est un facteur de vulnérabilité. La précarité génère fréquemment des phénomènes de rackets, de trafics et de tensions. Cela affecte également les personnes dans leur dignité : elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins primaires, comme se nourrir correctement, se vêtir, cantiner des produits d’hygiène, ou encore appeler leurs proches.
La première demande des personnes détenues – bien avant une hausse des aides - porte sur le développement de l’offre de travail en détention et la mise en place d’une rémunération décente. Elles veulent pouvoir vivre dignement en détention.
Si 45% des personnes estimaient se sentir en situation de pauvreté avant leur incarcération, 70% estiment l’être au cours de leur détention.
Nous avons souhaité explorer la question de la pauvreté sous un angle multidimensionnel, sans nous limiter à une vision économique du sujet. La pauvreté, c’est aussi un accès plus difficile au droit, notamment pour les personnes étrangères. C’est aussi l’isolement relationnel : 40% des personnes interrogées ne reçoivent aucune visite et 67% déclarent se sentir seules ou isolées. Une personne sur cinq n’a ni accès à un emploi, à une formation ou à l’enseignement scolaire au cours de sa détention.
Enfin, être pauvre en détention, c’est avoir un accès moindre aux aménagements de peines, car les garanties demandées ne peuvent être présentées (avoir un logement, un emploi…). L’exemple du logement est frappant. Il représente un point clef de la réinsertion. Or, seules 36% des personnes locataires avant leur incarcération parviennent à conserver leur logement. Un quart des personnes interrogées n’ont aucune solution d’hébergement en prévision de leur sortie.