PM. Le gouvernement se préoccupe à juste titre de la surpopulation carcérale qui aggrave l’indignité des conditions de détention. Mais il prend le problème à l’envers en ne s’intéressant pas aux causes de l’inflation carcérale mais uniquement à ses conséquences : le manque de place. Cela fait 30 ans que le gouvernement construit des prisons au prétexte de résorber la surpopulation. Le constat est pourtant invariable : les nouvelles places de prison permettent uniquement d’absorber l’augmentation du nombre de détenus. Le plan actuel de 15 000 nouvelles places de prison reproduit la même logique : le premier ministre lui-même prévoit 15 000 détenus supplémentaires à l’horizon 2027. Le budget pour 2022 ne présente ainsi aucune piste qui permettrait de répondre à l’injonction de la Cour européenne des droits de l’homme à prendre les mesures structurelles pour résorber définitivement la surpopulation carcérale. La situation actuelle parle d’elle-même : au 1er septembre 2021, on avoisine de nouveau les 70 000 personnes détenues, avec un taux moyen d’occupation de 113%. Ce taux monte à 133% dans les maisons d’arrêt, dans lesquelles 1 300 personnes détenues dorment sur des matelas à même le sol.
Quant aux conditions matérielles de détention, le budget pour l’entretien du parc existant ne permet pas d’espérer d’amélioration. Seuls 80 millions d’euros sont prévus à cet effet pour 2022. Une somme dramatiquement faible par rapport à celle allouée à la construction et face à l’urgence des travaux à réaliser. Déjà en 2016, dans son rapport En finir avec la surpopulation carcérale, Jean-Jacques Urvoas, alors ministre de la Justice, parlait de “sous-investissement immobilier chronique“ en matière de maintien en condition opérationnelle et de rénovation. À cette date, “la moitié des établissements pénitentiaires [étaient] à un niveau de ‘criticité’ supérieur à 50 %“.
Pour vous donner une idée de l’étendue des travaux nécessaires, le ministère de la Justice estimait en 2018 à environ 270 millions d’euros la rénovation de la prison de Fresnes, plusieurs fois épinglée pour ses conditions de détention indignes.
Dans le cadre de son injonction faite à la France, la Cour européenne recommandait également la refonte du mode de calcul de la capacité opérationnelle de ses prisons. Aujourd’hui, ce calcul se base essentiellement sur le nombre de mètres carrés disponibles par personne. Suivant les recommandations du Conseil de l’Europe, la Cour rappelait que le calcul de la capacité pénitentiaire doit tenir compte d’autres critères que l’espace dont dispose le détenu, comme le temps passé en cellule et, de façon plus générale, l’adéquation des conditions carcérales avec l’objectif de (ré-)insertion. Doivent donc être pris en compte des critères tels que la capacité des espaces collectifs, l’offre de formation, de travail et d’activités, l’offre de soin et les capacités de suivi par les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Or, le budget dédié à la (ré-)insertion en détention reste beaucoup trop faible. Tant que le temps passé en prison restera vide de contenu et de sens, on ne pourra ni rendre les conditions de détention dignes, ni rendre aux personnes détenues leur dignité.