Avec eux, on pouvait négocier et obtenir certains avantages en échange de pots-de-vin. On pouvait lire et faire du sport. Une fois par semaine, on avait droit à une visite de cinq minutes. Par la suite, deux, puis trois jours dans la semaine. Quand on payait, le moment passé avec l’un des membres de sa famille pouvait aller au-delà des cinq minutes prévues. On pouvait même envoyer les surveillants faire des courses pour nous.
Avec l’argent, on peut devenir un véritable petit patron dans la prison.
La communication par téléphone y est par exemple interdite. Mais avec de l’argent, des détenus pouvaient se procurer des portables.
On était soumis à un régime alimentaire très pauvre avec du riz de très basse qualité. Quand un prisonnier recevait un morceau de pain, c’était de l’or. Beaucoup de prisonniers remettaient au feu, sur leur réchaud ou sur du charbon de bois, la nourriture qu’on leur servait pour l’améliorer.
Une organisation humanitaire internationale avait obtenu auprès des autorités un régime alimentaire plus équilibré pour les détenus politiques. Nos repas étaient alors constitués d’une bouillie de riz au petit matin avec du pain, par exemple. Nous avons décidé de redistribuer la nourriture aux autres détenus puisqu’après notre isolement, nous pouvions recevoir de la nourriture de nos familles.
À ma libération, la population carcérale avoisinait les 6 000 prisonniers pour 300 places. Il y a eu plusieurs morts. Certains sont sortis malades, d’autres handicapés à vie.
La prison est une école. Tu y rencontres tout genre de personnes. Mon incarcération m’a permis de tisser de bons rapports avec certaines personnes, tout comme avec d’autres que je ne souhaite plus côtoyer. La prison peut arriver à tout le monde. J’ai vu des gens aller en prison à plusieurs reprises et y revenir trois mois plus tard après avoir commis les mêmes bavures. On peut apprendre beaucoup de choses et se forger une personnalité en bien comme en mal. Je ne peux pas dire que j’y ai perdu mon temps. Je tire les leçons de tout ce que j’ai traversé. J’ai grandi. Mon passage en prison était fait pour m’intimider, atténuer mon engagement politique. Je me bats pour des convictions, des valeurs. Je continue mon combat pour l’enracinement de la démocratie.