Nordine Drici. Pour repartir sur la base juridique, les normes en Guinée en matière de détention existent. Le Code pénal, tout comme le Code de procédure pénale, a été révisé en 2016. Il inclut les crimes internationaux (crime de guerre, crime de génocide et crimes contre l’humanité) et a relevé le seuil de la responsabilité pénale de 10 à 13 ans. Le Code de l’enfant, que le pays a adopté en 2019, est considéré comme l’un des meilleurs de l’Afrique de l’Ouest.
La Guinée a ratifié certains des traités internationaux et régionaux de promotion et de protection des droits de l’Homme, notamment la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et la Convention contre la torture. Cependant, elle n’a ni ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, qui permet de mettre en place un mécanisme national de prévention, ni la Convention sur les disparitions forcées ou involontaires.
Dans la pratique, on rencontre de nombreux obstacles. D’abord, le manque de dispositifs : il y a trop peu de tribunaux, d’établissements pénitentiaires, de ressources humaines et de moyens alloués.
On compte 36 tribunaux dans les quatre régions de Guinée : 18 tribunaux de première instance et 18 maisons de justice, qui sont des maisons de médiation et qui ne peuvent connaitre que des délits. Si vous avez affaire à un crime grave, vous devez vous adresser à un tribunal de première instance. Mais il n’y en a pas assez et cela représente un frein à l’accès à la justice.
Les 34 établissements pénitentiaires du pays datent de l’époque coloniale. La surpopulation carcérale y est très élevée. Il y a huit maisons centrales, les autres sont des maisons d’arrêt. La classification des personnes détenues ne respecte pas les normes : certaines sont détenues dans des maisons d’arrêt alors qu’elle purgent de longues peines.
La Maison centrale de Conakry, par exemple, est conçue pour détenir entre 300 et 400 personnes détenues. Elle en compte aujourd’hui 1 600, soit 4 à 5 fois plus que sa capacité théorique. L’accès aux soins, à la santé et à l’alimentation ne respecte pas le minimum requis. Plusieurs organisations internationales et nationales ont dû développer des programmes d’alimentation pour les détenus car les rations journalières sont trop faibles. Cela génère souvent des décès du fait de la sous-alimentation et de la malnutrition.
L’enjeu repose aussi sur la formation du corps judiciaire. Le pays compte, en 2021, seulement 350 magistrats. Le renouvellement générationnel des magistrats est crucial car le droit évolue. Or la plupart d’entre eux font partie de l’ancienne garde ; ils ne se réfèrent pas au droit international. Il y a également un enjeu fondamental de féminisation de la magistrature, qui semble en marche, mais qui reste à parfaire.
Le droit prévoit que les magistrats puissent aller en prison pour visiter les lieux de privation de liberté. Le Code de l’enfant prévoit également que les parlementaires puissent exercer leur droit de visiter les lieux où les mineurs sont détenus. Ce droit n’est pourtant mis en œuvre ni par les magistrats, ni par les parlementaires. Cette occasion ratée de contrôle des lieux de détention est d’autant plus regrettable que les associations de défense des droits fondamentaux ont beaucoup de mal à entrer à la Maison centrale de Conakry.
Globalement, on constate de nombreux écarts entre normes et pratiques.Les normes existent, malgré des manquements. Mais même le contrôle interne des magistrats n’est pas exercé.
C’est un véritable problème quant à la surveillance et l’évaluation des conditions de détention et de traitement des personnes privées de liberté en Guinée.