MRAM. Les personnes marginalisées sont, de manière générale, davantage exécutées en Iran. Si l’on se reporte aux cartes inclues dans le rapport, on constate que la province qui compte le plus grand nombre d’exécutions rapporté au nombre d’habitants est le Khorassan méridional, de loin la plus pauvre des provinces iraniennes. Les chiffres sont également élevés au Baloutchistan et dans les régions de peuplement kurde. Les habitants de ces régions sont pauvres et marginalisés. L’opposition au régime y est plus forte : le besoin de celui-ci de susciter la peur y est donc plus prononcé.
JBF. Les personnes exécutées pour homicide ou pour des infractions liées à la drogue appartiennent, la plupart du temps, à des catégories marginalisées : populations pauvres, minorités ethniques… il s’agit là, pour le régime, de montrer que personne n’est à l’abri. Les autorités procèdent parfois également au transfert de prisonniers d’une province à une autre, après arrestation, pour augmenter le nombre d’exécutions dans une province donnée et y répandre la peur.
MRAM. Les prisonniers accusés de mettre en danger la sécurité publique, par exemple affiliés à des groupes kurdes, sont soumis à davantage de pressions. On les transfère dans des aires plus centrales, éloignées de leurs communautés, pour les couper de tout soutien, les regrouper, ou peut-être utiliser certaines méthodes d’interrogatoire. On les retrouve souvent à Téhéran ou dans des prisons proches de la capitale. Là, ils sont interrogés par l’un des nombreux corps parallèles des services de sécurité iraniens.
Les prisonniers du couloir de la mort de Téhéran, notamment les prisonniers politiques, font l’objet de campagnes de soutien et d’information. Dans les provinces du centre et les grandes villes, les autorités s’appliquent à sauver les apparences du respect des garanties en matière de procès et de détention. Mais au Baloutchistan et dans les régions kurdes, la peine de mort ne fait pas l’objet d’une telle surveillance. Les militants des droits humains y sont bien plus vulnérables, accusés de séparatisme ou de terrorisme par l’appareil de propagande du régime. Attirer l’attention sur des questions comme celle de la peine de mort est bien plus difficile : qui dit moins de vigilance dit moins de comptes à rendre. L’iniquité qui marque le système judiciaire iranien est encore plus prononcée dans les régions occupées par des minorités ethniques.
La pendaison publique est un moyen mis en œuvre par le régime pour faire peur, même s’il est politiquement coûteux. Mais leur nombre a décru au cours des dernières années, particulièrement après la pandémie de Covid-19. On a pu compter, au cours de certaines des 14 ou 15 dernières années, plus de 60 exécutions publiques. Il semble que la question des exécutions publiques soit susceptible de ressurgir.
JBF. Les exécutions publiques ont cessé pendant la pandémie de Covid à cause des limitations sur les rassemblements, mais ont recommencé en 2022 ; le nombre d’occurrences augmente lentement mais sûrement. Cette augmentation est liée à celle du nombre d’exécutions en général. Il est difficile de mesurer l’impact psychologique d’une pendaison publique sur les spectateurs, en particulier les enfants. La torture fait aussi partie de la panoplie utilisée par le régime pour faire peur.
MRAM. La nouvelle d’une exécution envoie un message clair au public, mais sa vision est encore plus terrifiante. Les autorités ne seraient pas hostiles à davantage d’exécutions publiques, mais le coût politique en serait trop élevé. Elles calculent les risques et les bénéfices. Elles savent que les exécutions publiques, a fortiori dans le contexte des dernières années, suscitent la colère de la population iranienne et de la communauté internationale. La pression internationale est l’un des éléments qui peut faire faire machine arrière aux autorités, concernant par exemple le recours à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue. La marge de manœuvre est restreinte, mais elle existe.