MF. Les pays qui n’abolissent pas la peine de mort essaient par là de répondre à un besoin de la société. Le Japon est un pays qui, sociologiquement parlant, a besoin de boucs émissaires. C’est un vestige d’une société de castes très rigide, qui remonte au XVIIe siècle. Par ailleurs, si les Japonais comptent parmi les sociétés les moins religieuses au monde, ils sont extrêmement superstitieux et croient au karma. En 1923, le séisme de Kantō bouleversa le pays entier. Il fut suivi par le massacre de 6 000 Coréens établis au Japon. La rumeur voulait que les Coréens aient empoisonnés les puits et commis toutes sortes de crimes contre la population japonaise. Cette peur de l’autre est ce qui alimente la peine capitale dans bien des pays.
Aux États-Unis, la peine de mort est essentiellement fréquente dans les États du Sud, avec leur longue histoire d’esclavage. La peine capitale est perçue comme dissuasive à l’égard des Noirs, de l’autre. Cet autre n’est pas le même en fonction du pays. En Iran, ce sont les dissidents politiques ; en Arabie Saoudite, on exécute majoritairement des étrangers. Au Pakistan, ce sont les chrétiens qui sont perçus comme une menace. Au Japon, les personnes exécutées sont, pour beaucoup, des Japonais. Dans de nombreux pays, et c’est indubitablement le cas du Japon, les exécutions sont l’occasion, pour le public, de ressentir la Schadenfreude (mot allemand désignant la joie maligne ressentie devant le malheur d’autrui, NdÉ), une soupape pour relâcher la pression d’une société extrêmement hiérarchisée, marquée par des constructions sociales strictes. Les exécutions ne rendent pas la société plus juste ou meilleure, mais elles répondent à des besoins profondément ancrés dans l’organisation sociale. C’est une question de politique, de peur et de pouvoir.