Il pleuvait des cordes tandis que, couchée sur mon lit, je contemplais l’image. La fenêtre était ouverte et laissait pénétrer l’humidité, constante et insolente, qui, dans une sorte de défi muet, me glaçait les pieds. Devant l’impossibilité d’arrêter de penser, j’ai décidé de faire face à ces pensées et, de nouveau, je me suis retrouvée dans un monologue que moi-même je ne comprends pas.
Je n’arrive pas à exprimer avec des mots ce que je ressens, je suppose que c’est à cause de ce vide qui prend toute la place, et me laisse muette face à mon carnet.
L’image de la ville est comme ma mémoire ; il y a des lieux qui paraissent sombres, flous, presque intangibles et, d’un autre côté, il y a des souvenirs qui, même s’ils sont lointains, restent lumineux, des souvenirs aussi vifs et présents que toi ou moi. Je contemple cette ville depuis la distance qui me sépare du monde, du haut de la tour dans laquelle je vis cette “séquestration”. Mais, bien qu’on m’ait écartée du monde, rien ni personne ne peut m’éloigner de ce qui est intrinsèquement mien, de mes réminiscences.
J’ai pensé à elle, comme d’habitude, la devinant petite et fragile, recroquevillée dans les enchevêtrements de sa peau, s’efforçant à alimenter un espoir déjà presque mort. Et, dans mes visions confuses, la mémoire devient floue, les lumières s’éteignent et j’ai même du mal à me souvenir du contact de ses mains qui tant de fois pourtant m’ont bercée les tristes après-midis de mon adolescence. L’odeur de sa peau, de son parfum inné, cette essence de lavande qu’elle portait tous les jours. Même après tout ce temps, je peux sentir sur mon palais les différentes saveurs de ses plats, pour le plus grand plaisir de mes sens. Car il y a des instants que le temps ne peut pas effacer ; même si certains souvenirs apparaissent sombres à l’horizon, d’autres continueront à briller malgré le passage du temps.