La surpopulation carcérale est un problème majeur dans de nombreux États membres de l’Union européenne. Le Parlement et la Commission le soulignent à plusieurs reprises, en 2017 et 2022. Un tiers des États incarcèrent ainsi plus de personnes détenues que leur capacité d’accueil ne le permet. La France, Chypre, l’Italie ou encore la Roumanie comptent, en 2022, entre 107 et 124 personnes détenues pour 100 places. Ces moyennes nationales recoupent des situations très variables : d’une région à l’autre, d’une prison à l’autre, d’un quartier à l’autre, le taux d’occupation peut doubler. En France, 17 établissements ou quartiers ont une densité supérieure ou égale à 200 % d’occupation en avril 2024. D’autres pays, dont la moyenne nationale ne dépasse pas la capacité totale, connaissent des situations de surpopulation sévère dans certaines prisons et régions. Les modes de calcul de l’occupation carcérale divergent, par ailleurs, entre les États membres. Ces disparités compliquent l’élaboration de politiques pour répondre au problème. Le groupe S&D évoque la nécessité d’établir un mode commun de calcul de la surpopulation carcérale.
Cette surpopulation a des conséquences. La Cour européenne des droits de l’homme condamne plusieurs États membres, parfois à de multiples reprises, pour les conditions de vie dans leurs établissements pénitentiaires.
Selon la Cour, celles-ci constituent, dans au moins 15 États de l’Union, un traitement inhumain ou dégradant. Les États les plus condamnés sur ce motif sont la France, la Roumanie et la Belgique, avec près d’une dizaine de condamnations chacun.
L’indignité des conditions de détention freine la coopération entre États membres en matière pénale, comme le constate le Parlement européen en 2017 : “la surpopulation carcérale entrave les extraditions ou les transferts de condamnés en raison des inquiétudes que suscitent les mauvaises conditions de détention dans les États de destination”. Le transfert de personnes impliquées dans une procédure pénale sur la base d’un mandat d’arrêt européen (MAE) se fonde sur le principe de reconnaissance mutuelle : les décisions judiciaires rendues par un État membre doivent être exécutées par les autorités d’un autre État comme si elles émanaient de sa propre autorité. Ce principe implique une confiance réciproque entre États. Le Conseil de l’Union européenne indique que la mise en œuvre d’un mandat d’arrêt, encadrée par des délais stricts, doit se faire dans le respect des droits fondamentaux. En cas de risque de traitements inhumains ou dégradants dans l’État de destination, les autorités de l’État d’exécution doivent reporter le transfert jusqu’à disparition du risque. En 2021, le risque d’atteinte aux droits fondamentaux motive le refus de 86 mandats d’arrêts. Le groupe S&D souligne qu’un refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen pour ce motif pourrait “écorner la confiance mutuelle entre États membres”. Il estime que le manque de confiance entre États pourrait être surmonté par l’établissement de standards minimums.
Le groupe des Verts/ALE souhaite que la coopération dans le cadre du MAE soit suspendue avec les États dont le système pénal présente des défaillances systémiques.
La construction de nouvelles prisons est présentée par différents gouvernements comme la solution aux violations des droits en prison du fait de la surpopulation carcérale. Deux groupes soulignent les limites de cette politique. La coprésidente de La Gauche affirme s’engager ” à œuvrer à un moratoire européen sur la construction de prisons” et estime que ”plutôt que d’augmenter les capacités d’emprisonnement, il est nécessaire de réduire la population carcérale”. Elle souhaite lancer ”une conférence européenne sur les alternatives à l’incarcération”.
Le groupe S&D considère que “la construction de nouvelles places de prison ne suffira pas à résoudre l’équation”. Il estime notamment que les conditions de la détention provisoire doivent être assouplies, et l’ensemble des prisonniers de conscience libérés.
Le groupe des Verts/ALE souligne l’importance pour les États membres d’explorer la viabilité de modèles pénitentiaires alternatifs et mentionne que l’Union européenne a un rôle à jouer dans leur évaluation. Il évoque l’exemple des maisons de détention à petite échelle et la nécessité d’avoir plus de visibilité sur leur capacité à combler les lacunes affectant les prisons européennes.