Depuis mes quatre murs, je peux dire que les cellules d’isolement, qui sont au nombre de cinq, correspondent bien à “tranomaizina”, l’autre dénomination malgache signifiant “maison de l’obscurité”.
Tout est sombre ici, comme la pénombre qui règne en permanence dans ma cellule de 4m x 3m, encadrée de murs tristes et sales, et où je passe l’essentiel de mon temps car la promenade autorisée quotidiennement n’a longtemps duré que de 30 minutes à une heure.
Tout est sombre ici, comme le dénuement extrême et quasi monacal du mobilier, composé d’un seau hygiénique et d’un lit de camp sans équipement.
Tout est sombre ici, comme l’œil de la caméra qui, en violation absolue du droit national comme international, me filme en permanence et vole mon intimité.
Tout est sombre ici, comme la rareté et la brièveté des visites, surveillées, soit deux par semaine et d’une durée de 15 minutes.
Tout est sombre ici, comme le prosélytisme réalisé à certaines périodes au profit d’une seule religion via les hauts parleurs collectifs.
Tout est sombre ici, comme l’éternisation de notre détention à l’isolement, la plus longue période infligée jusqu’alors ayant été de deux mois.
Tout est sombre ici, comme la transposition des mœurs du dehors, où la corruption sévit pour tout et à tous les niveaux, et où l’exploitation des plus faibles par les puissants est la règle.
Tout ce que nous vivons entre ces quatre murs répond à ce qu’énonçait Nelson Mandela dans ses Mémoires : “On ne devrait pas juger une Nation sur comment elle traite ses citoyens les plus riches, mais sur son attitude vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres, et l’Afrique du Sud traitait ses détenus comme des animaux.”
Car en 2022, Madagascar traite aussi ses détenus comme des animaux, malgré des agents pénitentiaires humains qui ne font qu’obéir aux ordres.
Leurs donneurs d’ordre ne sauraient oublier qu’à la pesanteur résiste l’élévation des idées, des cœurs et des âmes, qu’ils n’arriveront jamais à emprisonner, surtout quand on poursuit le souverain bien. Et qu’à l’obscurité s’oppose la lumière de l’amour infini de nos proches, qui nous porte, et celui inconditionnel et miséricordieux de l’Éternel, qui nous transporte, bien au-delà de ces quatre murs.
Des lieux comme celui-ci ne devraient pas être de ce monde : Tsifahy en fait malheureusement partie.