Quatre jours plus tard, je suis transféré à Katmandou contre mon gré. Je loupe les festivités de Noël à Bhairahawa, mais elles s’annonçaient plutôt maigres. Ici, le dispositif mis en place est beaucoup plus important. Dans la cour, nous avons droit au concert d’un orchestre venu de l’extérieur. Je suis surpris de constater qu’une femme en fait partie. Bien qu’elle soit d’âge mûr, je trouve improbable de la retrouver au milieu de tous ces mâles abstinents. Elle doit se sentir terriblement mal à l’aise. D’ailleurs, elle ne s’éloigne jamais trop des agents venus assurer la sécurité des musiciens. Lorsqu’il y a une intrusion féminine entre leurs murs, les détenus se tiennent admirablement bien, pas de sifflets machistes ni d’oeillade insistante. Les prisons sont si misérables qu’il y a même des établissements où hommes et femmes doivent cohabiter comme dans le district de Udayapur.
Des naike font mitonner du buffle dans de grosses marmites. Des portions sont ensuite distribuées gratuitement. On les déguste sur les tables disposées pour l’occasion. Je vois Hughes - l’autre Français, accusé de pédophilie et en attente de son jugement - s’approcher de la mienne. Il boitille à cause de la hernie qu’il a contractée. Il porte une petite croix de bois autour du cou.
“Hello, mister! Pffff… Je reviens de la messe, c’était rasoir…
-La messe ? Il y a une église ici ?
-Oui, juste là ! C’est une pièce dans ce bâtiment.”
Il me montre un bloc autour de la cour et ajoute dans le franglais qui le caractérise : “je prie aussi au monastère bouddhiste, devant le temple hindou et Jésus is happy ! Pas de problème, only one God.”
Un jour, un prisonnier-prêtre me dira qu’il y aurait entre 200 et 300 chrétiens à la prison, ce serait la troisième religion représentée. Les musulmans arriveraient en quatrième position. Ce chiffre paraît gonflé : à l’extérieur il y a 4% de musulmans et guère plus de 1% de chrétiens. Mais comme j’ai pu le constater de l’intérieur des prisons, ils sont très prosélytes. La communauté chrétienne apparaît particulièrement active, structurée. Les musulmans, eux, n’ont pas de lieu de culte dédié, ils prient à l’extérieur.