J’ai vu des gens dépouillés dès leur premier jour en prison. C’est un nouveau monde. Tu ne sais pas comment ça fonctionne. On te dit que c’est la loi du plus fort, alors tu te soumets. Si tu ne veux pas aller dans la même cellule que tout le monde, il y a des pièces qui peuvent accueillir de 10 à 15 personnes. Dans d’autres, tu peux retrouver parfois 60 personnes entassées. Au mois d’avril, la chaleur est arrivée. J’ai compté au moins quatre personnes mortes des suites de la chaleur. On vous met ensemble, on vous entasse. Pour ceux qui n’ont pas la possibilité de dormir dehors dans la cour, si votre organisme ne tient pas, vous êtes condamné à mourir.
Quand les gens tombent malades, c’est un grand problème. Les médecins n’ont pas le matériel. On t’examine, on te dit “c’est telle maladie”, mais il n’y a pas le matériel adéquat. Les gens succombent pour de petites choses. Il y a eu des cas dont on a dit que c’était le paludisme, et ensuite les gens rendent l’âme.
Il y a une démission de l’État. Quand il y a des visites officielles, on doit montrer que tout est rose. Même lorsque des organisations partenaires veulent échanger sur les conditions de vie, des gens sont choisis, à qui on a indiqué de dire ceci et cela. Certaines réalités ne pourront jamais être connues.
Quand on vous sert la nourriture de la prison, c’est une bouillie liquide. Certains mangent juste ça, une seule fois par jour, le matin vers 11 heures. Mais ce n’est pas mangeable. Dans notre quartier, on s’est organisé. L’administration nous avait donné la possibilité d’employer des enfants. On a identifié des jeunes d’un autre quartier de la prison et on se cotise mensuellement entre nous. Ils s’occupent des toilettes et préparent la nourriture. Quand je suis parti, chacun payait 60 000 FCFA par mois (environ 90 euros). On s’est organisé comme ça pour l’alimentation. Sinon, c’est intenable de faire venir la famille tous les jours de Niamey à Kollo pour amener de la nourriture.