JAH. Aucune des pratiques et des lois que les forces d’occupation appliquent aux Palestinien.nes emprisonné.es ni des violations constatées ne constituent des nouveautés. Un certain nombre existaient bien avant le 7 octobre. Les méthodes de torture et la détention administrative ont été adoptées sous le mandat britannique. Les forces israéliennes réutilisent ces pratiques depuis le début de l’occupation en 1948 et la création de leurs premières prisons. Certains établissements datent du mandat britannique.
De nombreux amendements législatifs ont été adoptés, depuis le 7 octobre, concernant uniquement les personnes incarcérées originaires de Gaza. Elles sont ainsi désormais soumises à la loi sur les combattants illégitimes, qui permet à l’occupation de les détenir pendant des mois en les qualifiant comme tels sans inculpation ni preuve. Elles sont stratégiquement incarcérées dans des camps militaires afin d’être isolées des autres Palestinien.nes. La loi a été spécifiquement pensée pour les habitants de Gaza et adoptée en 2005, mais elle n’est largement appliquée que depuis l’an dernier. Ses amendements incluent une interdiction de toute visite pendant 180 jours, y compris celles des avocats, des membres de la famille ou de tout autre tiers. Les bases militaires situées près de Beer-Sheva (Sde Teiman) et Jérusalem (Anatot), autrefois utilisées pour les incursions militaires israéliennes, servent aujourd’hui de centres de détention. Comme leur fonction initiale était différente, les forces d’occupation y ont installé des cages. Les Palestinien.nes sont détenu.es dans des cages ouvertes ou des conteneurs métalliques en lieu et place de cellules.
Le règlement du contrôle judiciaire a lui aussi été modifié. Il s’agit d’une procédure d’attente qui s’étend du début de l’incarcération jusqu’à l’audience au tribunal et qui permet de détenir les gens sans aucune inculpation. La période maximale était auparavant de 12 jours pour les Palestinien.nes de Cisjordanie et autres territoires et de 14 jours pour les personnes habitant à Gaza. Après le 7 octobre, les amendements l’ont prolongée jusqu’à 45 jours. Au cours de ces 45 jours, les forces israéliennes interrogent et torturent les personnes avant même toute comparution. Les conditions de jugement pour les personnes de Palestine ont également subi des modifications. Leur présence dans l’enceinte du tribunal n’est plus obligatoire. Les personnes détenues peuvent désormais être jugées par appel téléphonique ou visioconférence, au cours desquels le juge les informe simplement de leur placement en détention pour raisons de sécurité jusqu’à nouvel ordre sans mentionner la durée de la mesure. La durée de l’interdiction de visites pour les avocats a changé à plusieurs reprises, passant de 90 à 180 jours.la durée exacte demeure floue. Tous ces changements juridiques sont très déroutants et se produisent très rapidement. Malgré toutes les modifications, les forces d’occupation continuent de bafouer leurs propres lois.
Traitements inhumains et dégradants¶
Les enfants sont détenus dans des quartiers séparés. Les autorités pénitentiaires désignaient auparavant, de manière aléatoire, un adulte détenu pour surveiller les personnes détenues mineures. Sa mission consistait à communiquer avec l’administration, à distribuer la nourriture, à régler les problèmes entre les enfants et à faire les demandes de soins médicaux. Les prisons ont drastiquement changé depuis, et le rôle d’adulte-surveillant a été supprimé : les enfants sont livrés à eux-mêmes. Ils ne sont en contact ni avec leur famille, ni avec aucune autre personne de l’extérieur à part leur avocat, autorisé à leur rendre visite tous les mois ou tous les deux mois.
Toutes les prisons sont extrêmement surpeuplées. Des amendements ont augmenté la capacité maximale des cellules : entre 10 et 14 personnes sont aujourd’hui détenues dans un espace prévu pour quatre personnes. Les gens dorment par terre, debout ou assis. En raison de la surpopulation, ils sont fréquemment transférés. Ces transferts sont un élément constitutif de la torture physique et psychologique, car les Palestinien.nes sont souvent victimes de mauvais traitements pendant la procédure.
Les conditions de détention se sont aggravées au cours de l’année dernière. Les forces israéliennes confisquent désormais tous les biens personnels. Les personnes détenues sont battues lors de l’appel, qui a lieu plusieurs fois par jour. Des unités spéciales, normalement déployées uniquement en cas d’extrême urgence, sont désormais déployées quotidiennement dans les prisons, où elles fouillent les cellules et passent à tabac les personnes détenues. Les tactiques employées révèlent une planification minutieuse, comme en témoigne la façon dont ils frappent les personnes détenues, en ciblant spécifiquement la tête ou d’autres zones sensibles, pour provoquer le plus de blessures et de douleurs possible.
Entre le 7 octobre 2023 et le 6 octobre 2024, au moins 24 Palestinien.nes ont été tué.es en prison, soit par les tortures, soit par négligence médicale. Leurs corps n’ont pas été restitués par les forces d’occupation. De nombreuses personnes sont blessées ou abattues lors de leur arrestation. Certaines sont utilisées par les forces d’occupation comme boucliers humains lorsqu’elles se retirent des zones qu’elles ont envahies. En prison, les personnes détenues ne bénéficient d’aucun soin médical.
Les personnes incarcérées atteintes d’un cancer ou d’une maladie chronique, comme le diabète, ne sont souvent pas soignées, et, lorsqu’elles reçoivent des médicaments, ceux-ci sont mal dosés, ce qui entraîne des complications supplémentaires. La propagation des maladies s’est considérablement aggravée depuis le 7 octobre. Les personnes détenues étant contraintes à utiliser les mêmes serviettes et les mêmes vêtements, la gale s’est propagée à la quasi-totalité d’entre elles. Ce n’est que récemment que les forces d’occupation ont commencé à fournir de nouveaux vêtements aux personnes détenues. Beaucoup d’entre elles, en prison depuis l’année dernière, n’avaient pas pu se changer depuis leur incarcération. Au départ, elles n’étaient pas autorisées à se doucher. Les produits d’hygiène de base comme les brosses à dents, le dentifrice et les coupe-ongles n’étaient pas autorisés. À présent, certains peuvent prendre une douche toutes les semaines.
Les forces d’occupation affament les Palestinien.nes en prison. Elles ne leur fournissent pas de nourriture digne de ce nom. Les repas auxquels les personnes détenues ont droit sont souvent contaminés par des cheveux, de la saleté ou de la moisissure. Il arrive qu’elles ne reçoivent, pour toute une journée, que du chocolat, un aliment qui ne contient aucun nutriment, et dont l’excès de sucre provoque des complications de santé, mais qui suffit pour les maintenir en vie.
Les mesures prises par les forces israéliennes se sont intensifiées en réponse aux événements d’octobre dernier et relèvent d’une forme de punition collective. C’est une façon de se venger de ce qu’il s’est passé. Bien que de nombreuses personnes soient emprisonnées depuis longtemps et n’aient pu y jouer aucun rôle, elles sont soumises aux mêmes conditions de détention déshumanisantes. Par ces méthodes de vengeance brutales, les forces d’occupation s’en prennent à l’ensemble des Palestinien.nes. Le génocide en cours à Gaza, les meurtres commis en Cisjordanie et les violations des droits des personnes détenues ont tous la même origine. Le sort des personnes détenues est profondément lié à l’occupation. La plupart des violations commises à l’encontre des personnes détenues se sont intensifiées après le 7 octobre, dans le cadre d’une stratégie plus large visant à priver les Palestiniens de leurs droits fondamentaux.