Quand j’ai été emmenée en prison, celle-ci sortait à peine d’une épidémie de tuberculose. J’y ai été exposée, sans l’ombre d’un doute. La prison était constituée de dix bâtiments qu’on appelait “hogar 1”, “hogar 2”, et ainsi de suite. Je ne m’attendais pas à ça. Il n’y avait pas de cellules, mais des sortes de grands dortoirs. Plus précisément, le bâtiment auquel j’étais affectée était une construction de deux étages avec un espace comprenant trois douches, deux toilettes et un petit cabinet où on pouvait brancher des appareils. Je me serais sentie plus en sécurité dans une cellule simple. Je n’aurais pas eu besoin d’avoir des yeux dans le dos.
L’endroit est conçu pour 50 à 60 femmes, mais dans les faits, on était dans les 150, ce qui entraîne des conditions de vie particulièrement mauvaises. Il y avait tellement de monde que des femmes partageaient le même matelas sur les lits superposés, pour quatre femmes par lit, donc. Les six premiers mois, j’ai dormi au sol, avec une espèce de matelas bricolé à partir de draps. On le changeait au bout de quelques mois. J’ai fini par me débrouiller pour ne pas rester par terre et obtenir une place dans une couchette à cause de mes maladies de peau.
Le dortoir était ouvert tous les jours entre 8 et 18 heures. On pouvait aller dans la cour, recevoir des visites, aller à l’administration ou à l’infirmerie si on avait rendez-vous, et d’autres choses du genre. Les cours, c’étaient juste des espaces vides. Il y avait un terrain de basket où les prisonnières jouaient au foot. Pendant la journée, on allait là-bas et on traînait dans le coin.
Comme j’avais affaire à une administration hispanophone, ce n’était pas évident de toujours tout comprendre du premier coup. Il y avait des anglophones de la Jamaïque, du Canada et des Bahamas qui m’aidaient, mais la majorité des prisonnières étaient panaméennes, colombiennes ou vénézuéliennes. J’ai fini par me forcer à apprendre la langue. Je voulais être indépendante pour que personne ne puisse profiter de ma vulnérabilité. Pouvoir comprendre les tenants et aboutissants des choses, c’était essentiel pour survivre.