Les rapports avec les détenus ne sont pas toujours faciles. Mais il faut savoir les motiver tout en préservant son autorité. Nous avons créé l’association Ma Ouango qui veut dire “écoutez les conseils”. Son but est d’obtenir des subventions ou des aides en nature auprès des agences ou des organisations humanitaires internationales comme le Programme alimentaire mondial (PAM, organisme d’aide alimentaire des Nations unies).
Après leur libération, certaines détenues reviennent régulièrement nous saluer pour exprimer leur gratitude. Pour certaines, la peine de prison a été une manière de repartir sur de nouvelles bases.
En Centrafrique, les conditions de vie en prison sont très difficiles. Je suis obligée de cumuler plusieurs tâches.
Sur le plan sécuritaire, nous gérons la détention sans armes. Sur le plan sanitaire, dans la prison de Kaga-Bandoro, il n’y avait pas d’infirmerie ou de service social. J’assurais les premiers soins, en m’appuyant sur les gestes que j’avais appris lors de ma formation.
Je me rappelle qu’un jour, au cours de la saison sèche, j’ai découvert une détenue de 65 ans inanimée dans sa cellule. Personne ne voulait la toucher. Je l’ai mouillée. Je lui ai donné un morceau de sucre pour la réanimer. Elle respirait encore mais ne pouvait pas parler. Nous ne disposions ni de voiture, ni d’ambulance. Nous l’avons mise dans un pousse-pousse que j’ai moi-même tiré sur deux kilomètres afin de rejoindre le centre de santé. Une fois là-bas, elle a été prise en charge. J’ai personnellement réglé l’ordonnance délivrée par médecin traitant puisque la personne détenue n’avait aucun parent proche.
Quant aux procédures judiciaires, les audiences ne sont pas fréquentes. Tous les avocats sont à Bangui. Je vais fréquemment voir le président du tribunal et le greffier pour expliquer la détresse des détenus qui attendent indéfiniment la programmation de leur audience. Ils n’ont pas les moyens de payer des avocats. Ceux qui sont commis d’office exigent du tribunal le remboursement de leurs frais de transport de la capitale à Kaga-Bandoro. Ils finissent par se lasser de la situation et n’ont aucune motivation à venir défendre les personnes détenues.