Roland : "ça y est, ça recommence"

En prison, à la fin, j’étais dans la catégorie du troisième âge et j’étais plutôt solitaire. Je ne restais pas dans mon coin toute la journée, mais j’avais peu de relations continues avec les autres. Parfois, ma porte était ouverte, mais je ne descendais pas forcément en promenade. Je pouvais choisir de passer du temps en cellule de mon plein gré.

Les moments où le temps est le plus dur à vivre en prison, c’est les jours fériés, quand arrive le printemps. Pendant trois ou quatre jours d’affilée, les activités s’arrêtent. Il n’y a que les parloirs, pour ceux qui en ont.

Quand je vois les Ehpad¹ où les personnes parlent avec leurs proches via des vitres, ça me rappelle l’époque des parloirs séparés.

Finalement, ce que les gens ont vécu un peu dehors, sur certains aspects, c’est ce que nous on vit en permanence à l’intérieur. C’est des relations éloignées, c’est des interdictions de tout. Parce qu’à l’intérieur, tu as beau avoir une vie sociale, elle est toujours limitée.

C’est le paradoxe. En prison, on est tout seul, mais on n’est jamais vraiment seuls. Quand on est au milieu des autres, on ne parle pas de nos problèmes personnels ; et quand on rentre le soir en cellule, à la fermeture des portes, c’est là qu’on revient à notre réalité personnelle. J’ai passé plus de dix ans à l’isolement, mais c’était à l’époque où les prisons lyonnaises étaient surpeuplées. Certains étaient jusqu’à quatre ou cinq en cellules. Alors je préférais rester à l’isolement que d’aller m’entasser sur un matelas par terre.

On parle de modernité dans les nouvelles prisons, mais c’est de la distanciation sociale ! Plus il y a de l’électronique et moins il y a de contact humain. Tout s’organise autour de grilles électriques. À Roanne, je me souviens qu’on voyait deux surveillants par jour. Un le matin et un l’après-midi, pour l’ouverture et la fermeture des portes. Le reste, c’est géré à distance, par caméra.

Moi j’ai vécu la prison dans les années 1970 et le contact n’était pas le même. Quand on avait une demande à formuler, on demandait, on avait un rapport avec un être humain.

Maintenant il faut faire des mots, écrire, attendre qu’ils statuent. Ensuite on reçoit une réponse avec plusieurs lettres, tout est compliqué. Alors oui, y a un peu de confort, mais le reste c’est du vent. Depuis que je suis sorti, mon projet c’est d’aller à la campagne, de partir au vert avec ma canne à pêche. Respirer un peu l’air. Dès que je pourrai, dès que mon contrôle judiciaire sera terminé et qu’on pourra circuler.