Gaspard Onokoko. Le GRA-REDEP œuvre pour la promotion et la protection des droits de la personne humaine et de la jeunesse en soutenant des actions d’éducation aux droits des détenus, des migrants, des mineurs non accompagnés, ainsi que des femmes et des jeunes filles. Il cherche, dans ce contexte, à redynamiser le processus de ratification des instruments internationaux et régionaux de respect du droit des femmes et des filles ainsi que des personnes handicapées. Il veille à ce que leurs principes soient incorporés dans les législations. Le GRA-REDEP considère comme une forme de torture les violences sexuelles dont les femmes font souvent l’objet. Il effectue des visites régulières des lieux de détention, à la suite desquelles il adresse des rapports ou des alertes urgentes à l’administration pénitentiaire. C’est dans l’exercice de cette mission que l’ONG s’est intéressée à la maison d’arrêt pour femmes Liberté VI.

La visite à la maison d’arrêt s’est effectuée, le 23 décembre 2020, dans un contexte que nul ne peut ignorer : la crise sanitaire de la Covid-19. Un contexte qui a mis en relief la dimension sanitaire de la mission de sécurité qui incombe à l’administration pénitentiaire.

Ce contexte a été caractérisé par des restrictions et mesures de protection, entre autres. Les accès, les visites des ONG, des associations de représentants de missions diplomatiques, l’entrée de chercheurs et même les visites familiales ont été suspendus. Ces dernières permettaient notamment aux personnes détenues de communiquer gratuitement avec leurs parents au moins une fois par semaine. C’est pourquoi le GRA-REDEP, face à ces problèmes causés par la Covid-19, a été alerté par les familles et les proches des personnes détenues. Ils nous ont demandé de faire une enquête au sein de la maison d’arrêt pour femmes Liberté VI. Nous avons donc fait une demande et obtenu une autorisation officielle de la part de la direction de l’administration pénitentiaire. Nous avons d’abord effectué une pré-visite au cours de laquelle nous avons rencontré la régisseuse¹ de la maison d’arrêt et avons établi des questionnaires en toute transparence, afin d’établir un climat de confiance et de coopération entre le GRA-REDEP et les responsables de l’établissement.

Enfin, nous avons cherché à gagner la confiance des détenues. Nous les avons sensibilisées sur l’importance de notre visite et avons recueilli leurs témoignages. Nous avons visité tous les locaux. Finalement, nous avons rédigé nos observations et les avons envoyées à l’administration pénitentiaire, aux ministères et aux services concernés par les droits des personnes incarcérées.

GO. Les femmes ne sont globalement pas nombreuses en détention : nous retiendrons que les femmes détenues comptent pour à peu près 2,7 % de la population carcérale du Sénégal. Leur détention est soumise à des règles précises. Notre préoccupation, à travers cette visite, était de vérifier l’effectivité du respect des droits des personnes détenues et des femmes. Nous avons regardé la possibilité qu’elles ont de bénéficier de programmes de formation ou de réinsertion. Au total, nous avons rencontré 84 détenues, soit l’effectif complet de la maison d’arrêt pour femmes Liberté VI. Nous avons remarqué que l’établissement a enregistré des avancées notables par rapport aux visites que nous avions déjà effectuées en 2007 et en 2015.

Nous avons noté que les profils des femmes détenues étaient liés aux problématiques de genre qui persistent dans la société sénégalaise. En effet, comme nous l’avons fait remarquer dans notre rapport, l’infanticide est la principale cause d’incarcération des femmes et des filles, à hauteur de 46 % ; au moment de la visite également, 23 % étaient incarcérées pour avoir avorté.

Il faut alors noter que le crime d’infanticide est souvent la conséquence de discrimination ou de violences préexistantes, notamment de grossesses issues d’actes de violence sexuelle : viol, inceste ou pédocriminalité. L’ampleur des condamnations pour infanticide s’explique également en partie par l’interdiction absolue de l’IVG dont la pénalisation peut aller jusqu’à cinq ans de prison ferme.

Les femmes qui se livrent à la prostitution sont considérées comme des délinquantes potentielles. La prostitution, pourtant légale au Sénégal, devient délit et passible d’emprisonnement dès lors qu’une travailleuse du sexe n’est pas détentrice d’un carnet de santé ou n’est pas inscrite au registre administratif. À cela s’ajoute sans doute le manque d’instruction et d’éducation particulièrement en matière de santé sexuelle et reproductive.

Qu’on se le dise aussi, le phénomène de surpopulation constitue encore la principale caractéristique de la plupart des lieux d’incarcération du Sénégal. Dans le cas de la maison d’arrêt pour femmes Liberté VI, la surpopulation contribue de manière significative aux violations des droits des détenues. Elle affecte les conditions de détention et le travail du personnel pénitentiaire.

GO. Les maisons d’arrêt pour femmes doivent pouvoir faire face aux besoins spécifiques des femmes incarcérées. Ceux des femmes de Liberté VI semblent relativement entendus. Dans notre cas, il a été surtout question de la maternité en détention. Le cadre normatif prescrit notamment la mise à disposition de dispositifs appropriés et suffisants pour assurer la dignité des femmes enceintes et allaitantes.

Nous avons signalé une faible prise en compte de la situation particulière des détenues enceintes, allaitantes ou avec enfant. Globalement, il faut que l’administration pénitentiaire fournisse des conditions appropriées pour l’accouchement et qu’elle mette en place un système et rythme de visite médicale adaptés. Nous reconnaissons qu’au niveau des responsables de la maison d’arrêt, des efforts ont été faits à cet égard. Ils se sont notamment cotisés pour assurer la prise en charge d’une femme qui venait d’accoucher.

En outre, les femmes sont particulièrement touchées par le manque d’instruction et se trouvent donc plus facilement exposées à l’isolement social et économique. Nous avons également insisté sur le fait que l’administration pénitentiaire devrait faciliter la réinsertion des femmes détenues à travers des programmes d’éducation, d’alphabétisation, ou de formation professionnelles, d’activités culturelles et sportives, voire d’assistance spirituelle.