Ambika Satkunanathan. La plupart des personnes condamnées pour infractions liées à la drogue ne sont pas de gros trafiquants. Elles sont souvent pauvres, marginalisées, et sont contrôlées en possession de petites quantités de stupéfiants. Un grand nombre se retrouvent en prison parce qu’elles sont dans l’incapacité de payer l’amende prononcée par le tribunal. Une fois devant le juge, elles connaissent rarement leurs droits et n’ont souvent pas les moyens d’avoir un avocat. En cas de poursuites, elles n’auront accès qu’à des commis d’office, souvent inexpérimentés. L’accès à la représentation juridique est un énorme problème au Sri Lanka.

Il n’y a pas d’enfants de riches en prison. S’ils sont attrapés en train de prendre de la drogue pendant une fête, en règle générale, on ne les arrête pas ; et même s’ils sont arrêtés, on les libère sans poursuites. Et s’ils sont présentés au juge, ils sont libérés après avoir payé une amende.

AS. La loi sri lankaise criminalise non seulement le trafic, mais aussi la possession de stupéfiants. Les peines varient selon la quantité.

Si la police arrête quelqu’un en possession de moins d’un gramme de stupéfiants et que cette personne accepte d’aller en cure, le juge l’enverra dans un centre de désintoxication. S’il s’agit de plus d’un gramme, la personne sera placée en détention provisoire le temps qu’un agent du gouvernement prépare un rapport de toxicologie détaillant la quantité précise de drogue pure, comme la cocaïne ou l’héroïne, en sa possession. S’il y a plus de deux grammes, la personne, si elle est condamnée, sera envoyée dans le couloir de la mort et y restera, puisqu’il existe un moratoire.              
Une loi de 2007 dispose que, si un policier estime qu’une personne souffre d’addiction, il est en droit de la mettre en état d’arrestation et de lui faire passer un test médical obligatoire. Une fois le rapport médical rédigé, la personne est présentée devant le juge et est condamnée à un placement en centre de désintoxication. La famille d’une personne dépendante peut également demander à la justice de prononcer un placement en désintoxication.

AS. Aucun traitement spécifique n’est prévu en prison pour les personnes souffrant d’addiction, quand bien même elles présenteraient des symptômes sévères de sevrage. L’administration pénitentiaire affirme avoir mis en place des programmes de désintoxication dans certains établissements, mais les traitements qui y ont cours ne sont fondés ni sur une démarche scientifique, ni sur la preuve, mais essentiellement sur l’abstinence. Il s’agit en outre de programmes ad hoc, hors de tout plan d’ensemble ou stratégie nationale. Un prisonnier dépendant sera jugé indigne de soins et se verra souvent refuser toute prise en charge médicale. On rapporte de nombreux cas de provocation ou d’agression verbale des médecins à l’encontre de ces personnes.

On reste en principe un an dans les centres de désintoxication gérés par l’État, d’abord à Kandakadu (Province du Centre-Nord), suivi d’un transfert à Senapura (Province du Centre-Nord). Ces deux centres sont tenus par l’armée et n’ont pas de personnel médical. Les personnes qui y sont affectées ont difficilement accès aux soins médicaux. Les traitements qui y ont cours ne sont pas fondés sur la preuve mais sur l’abstinence, et on refuse l’accès aux soins même aux personnes présentant des symptômes sévères de sevrage. Les agents sur place sont convaincus que les patients ne vaincront leur dépendance que par l’activité physique. Ils les contraignent au labeur même lorsqu’ils souffrent du sevrage, ce qui peut avoir de graves répercussions sur leur état de santé.

La violence est omniprésente en centre de désintoxication. Deux personnes sont mortes à Kandakadu en 2022. Cette année, un jeune homme a tenté de se suicider. Il a été envoyé un mois dans un hôpital public, après quoi on l’a renvoyé au centre, malgré l’aggravation de ses troubles psychiques causés par l’enfermement.