ACBB. L’éternelle question c’est celle de l’argent et du coût de ces actions. Les personnes détenues sont plus souvent porteuses d’ITSS que celles vivant dans la population générale. Leur prise en charge constitue pleinement une opportunité de santé publique : un grand nombre de personnes détenues font régulièrement des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur. Elles risquent de transmettre ces ITSS lors de leur libération. Les mesures prises en détention ont donc un impact direct sur la santé générale. Pourtant, il faut sans cesse convaincre et batailler pour que les personnes détenues malades, ou porteuses asymptomatiques, puissent être prises en charge.
En parallèle, nous avons, en tant que personnel médical, toujours une marge d’amélioration. Nous pouvons encore améliorer le dépistage et la prise en charge des personnes qui nécessitent un traitement. Nous essayons, par exemple, d’agir dans un délai aussi court que possible. Mais c’est loin d’être toujours facile.
Il est parfois complexe de mettre en place un traitement sans savoir combien de temps la personne va rester et comment nous serons en mesure de la suivre. La difficulté sera toujours d’assurer la continuité du traitement une fois la personne transférée ou sortie.
Même si notre objectif est de garantir au mieux la continuité des soins des personnes, cela reste toujours une gageure. C’est un aspect perfectible et améliorable qui dépend beaucoup du type de population concernée. Les défis sont différents pour une personne insérée dans la société qui dispose d’un toit, ou pour quelqu’un sans logement qui ne possède pas de titre de séjour. Néanmoins, des ressources existent à l’extérieur pour garantir la continuité des soins des personnes sortantes de prison. C’est aussi notre rôle d’informer le lieu de suivi de la sortie de la personne et de faire en sorte qu’elle puisse accéder à son traitement jusqu’à sa prise en charge par le lieu d’accueil. Si la personne sort un vendredi soir ou un samedi matin, elle reçoit par exemple jusqu’à trois jours de traitement. Cela lui permet de tenir jusqu’au lundi et de pouvoir recevoir la suite de son traitement directement auprès du lieu d’accueil. L’objectif est d’éviter que la personne ne souffre du manque et n’adopte un comportement à risque pouvant mener jusqu’à une overdose.
Plus généralement, de nombreux défis demeurent en matière de réduction des risques. Nous continuons, par exemple, à réfléchir à la manière dont des pratiques de tatouage peuvent être mises en place à moindre risque. L’idée est aussi de voir quelles sont les attentes des personnes détenues. Peut-être que la question du tatouage n’est plus aussi prégnante qu’il y a quelques années et que la priorité est ailleurs. Notre travail consiste aussi à identifier les besoins et voir comment il est possible d’y répondre.
Il faut aussi bien avoir en tête que ce qui est disponible en détention est le reflet de ce qui est accepté et mis en place à l’extérieur. Dans le canton de Genève, des locaux d’injection et des traitements avec prescription d’héroïne sont, entre autres, prévus pour les personnes dépendantes. Leur existence facilite le développement d’actions en ce sens à destination des personnes détenues. Évidemment, des obstacles logistiques, financiers et liés au degré d’acceptation de ces mesures existent. La réduction des risques n’est généralement pas la priorité de l’administration pénitentiaire. Il est nécessaire de continuer à travailler en ce sens.