YB. Le Programme d’appui à la réforme de la Justice (PARJ), financé par l’Union européenne, est le plus important dans le secteur de la justice et des prisons. Il fournit à l’État tunisien un appui budgétaire pour l’amélioration du système judiciaire, l’envoi d’experts et la mise en place d’un jumelage institutionnel visant à améliorer les conditions de détention, l’efficacité de l’administration pénitentiaire et la sécurité des établissements. Il porte une attention particulière à la mise en place d’alternatives à l’incarcération. L’UE n’est pas la seule à intervenir : les États-Unis, par le biais de l’agence gouvernementale “INL” (Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs) déploient aussi des programmes, dont les détails et montants ne sont pas publics.
L’administration pénitentiaire tunisienne cherche des ressources chez une multiplicité de bailleurs de fonds et accepte l’intervention d’agences de coopération internationale, des ONG et des acteurs de la société civile. Le regard porté sur l’intervention internationale évolue : elle est désormais perçue comme un appui positif lorsqu’il s’agit de publics vulnérables (femmes, mineurs, détenus malades) mais pas quand il s’agit de publics sensibles, comme les détenus dits dangereux. Par exemple, Penal Reform International met en place un programme pour réorganiser la nurserie dans la prison des femmes. Ces actions sont plus susceptibles d’être ouvertes à la société civile et aux regards extérieurs.
La multiplicité des interventions a néanmoins conduit à une certaine cacophonie.
Par exemple, l’Europe et les États-Unis sont intervenus sur le volet de la probation, mais avec des approches sensiblement divergentes : alors que l’Union européenne a mis l’accent sur les peines alternatives, les seconds ont insisté sur la classification des détenus selon leur niveau de dangerosité. Tandis que l’Union européenne insiste sur la réinsertion, organise des voyages pénitentiaires dans des services d’insertion et de probation afin de montrer la prise en charge des condamnés en milieu ouvert, les États-Unis, de leur côté, développent davantage des approches sécuritaires quant à la détection des risques, ou la mise en place de protocoles d’intervention en cas d’émeute.
Cette divergence d’approches n’est pas uniquement le fait de conceptions différentes parmi les experts étrangers : elle existe aussi au sein même de l’administration “bénéficiaire”.
La Direction générale des prisons et de la réhabilitation tunisienne est elle-même très demandeuse de formations en matière de sécurité, notamment du fait de cette préoccupation pour le risque terroriste, tandis que les approches en matière de réinsertion ou de suivi en milieu ouvert paraissent encore un peu abstraites.
Des bureaux de probation ont été mis en place, mais ils n’ont pour l’instant pas véritablement de population pénale à suivre, car les réformes législatives n’ont pas encore été adoptées. Les peines en milieu ouvert ne se sont pas encore concrétisées de manière à fournir des alternatives à la prison. L’échelle des peines et la sévérité des sanctions demeurent un tabou sur lequel, hormis quelques petits pas concernant la consommation de stupéfiants, aucune “révolution” n’est venue ébranler les prisons tunisiennes.